L'empoisonement par le sel

SANTÉ
L'industrie malade du sel

PHILIPPE DOUCET
[08 janvier 2005]

Plus goûteux et plus lourds aussi grâce à l'adjonction de sel, les plats cuisinés industriels peuvent en contenir des quantités impressionnantes.
(Photo F. Bouchon/Le Figaro.)

Le sel, ami ou ennemi ? Les deux. L'organisme en a besoin de un à deux grammes au minimum chaque jour. Les carences en sel (hyponatrémies) sont toutefois rares. Elles sont souvent déclenchées par un mauvais ajustement d'un traitement diurétique, surtout en période de canicule, et provoquent rapidement fatigue et faiblesse musculaire. La surconsommation de sel a, en revanche, des effets moins immédiatement visibles. Trop de sel favorise en premier lieu l'hypertension, ce «tueur silencieux» qui menace plus de 7 millions de Français. «Le sel durcit le pouls et provoque l'apoplexie», avait déjà constaté Houang-Ti, l'Empereur jaune, qui a régné en Chine 2 600 ans avant notre ère. La conservation des aliments par le froid, et non plus par le sel, au début du XXe siècle, avait permis de diminuer notablement l'apport en sel. Hélas, les préparations industrielles d'aujourd'hui réintroduisent massivement dans l'alimentation ce que le progrès technologique avait hier écarté. Certains plats cuisinés à réchauffer contiennent jusqu'à 4 grammes de sel. «Aucun risque de surconsommation de sel avec des repas préparés à la maison», estime Marie-Laure André, l'une des spécialistes en nutrition de l'hôpital de Toulon, qui vient de publier Moins saler pour mieux se porter (Flammarion). «Les aliments industriels ne devraient être utilisés qu'en dépannage», précise-t-elle.


L'un des objectifs du Programme national nutrition et santé (PNNS), lancé en 2001, est d'abaisser de 10 mmHg la pression artérielle systolique de l'adulte. Il préconise une détection des gros consommateurs de sel. La Finlande a réussi à faire chuter la prise quotidienne de sel de 14 grammes à 8 à 10 grammes en sensibilisant à la fois consommateurs et industriels. Aux Etats-Unis, l'étiquetage des produits comporte de façon systématique depuis 1994 la quantité de sel contenue dans chaque produit alimentaire. Cette mesure n'est pas encore obligatoire en France. Mais si les Américains ont une meilleure idée des quantités de sel qu'ils consomment, leur goût souvent exclusif pour les plats industriels les portent à trop ingérer de sel. A cela s'ajoute une nourriture plus sucrée qu'en Europe, pouvant induire une hypertension par surpoids. De quoi renouer avec le boeuf mironton mijoté par le cordon bleu de la famille et oublier un peu, surtout pour les plus jeunes, les hamburgers arrosés de sodas.