la photo présidentielle

Ceux qui attendaient une image à la Andy Warhol ou style Nike, voire Puma, Sarko le tigre va bondir, un truc moderniste en short et polo seront déçus par la photo officielle pour les mairies et les écoles. De la pompe d'accord, mais républicaine ! Sur ce portrait, c'est lui et c'est quelqu'un d'autre. Nicolas Sarkozy, fils d'immigré, tout faraud, ça se voit, il veut que ça se voit, heureux d'être immortalisé comme Président de la République française. Qui prétendait encore qu'il est petit ? On dirait qu'il a grandi depuis le 6 mai dernier. La photo officielle l'avantage évidemment. C'est la technique moderne. Un angle de vue, un décor. Mais pas besoin d'estrade. Son élection présidentielle l'a tiré vers le haut !

Certes le photographe Philippe Warin connaît son boulot. Un chasseur de star plus habitué au château de la Star Ac' qu'au Palais de l'Elysée. Aujourd'hui, ça se ressemble. Ce « star shooter » avait réalisé plusieurs reportages avec Cécilia Sarkozy, puis signé l'affiche du candidat pour le premier tour et enfin les photos dorées et champanisées du Fouquet's, celles où la droite célèbre son triomphe en faisant « bling bling ».

Philipe Warin n'est pas mécontent d'avoir été choisi pour la photo officielle de la Star des stars, et il est plus content encore de l'image qu'il trouve très réussie à cause « d'un je-ne-sais-quoi dans le regard », dit-il. « Ce je ne sais quoi », bien sûr, c'est la fierté, mais une fierté maîtrisée, mise à distance, surtout pas arrogante. Il y a tout juste l'esquisse de l'esquisse d'un sourire. Le plus haut responsable de l'Etat n'est pas là pour rigoler. D'ailleurs le costume est sombre, bien épaulé avec cravate sombre aussi, et une chemise claire rayée style RPR modernisé. La posture est légèrement de côté, très à l'américaine. Il a l'air de sortir d'un feuilleton US genre West Wing, « A la Maison Blanche » ; la ressemblance est frappante avec Martin Sheen, le héros… Le chef Sarkozy est immobile, mais prêt à bondir. Le poids de la charge n'empêche pas le dynamisme, l'énergie qui repose sur un fond solide, un vieux fond français, ce fond culturel que le Président Sarkozy a voulu mettre en avant en le montrant en arrière fond, si j'ose dire.

En effet, le nouveau chef de l'Etat a tenu à être photographié dans la bibliothèque de l'Elysée, à l'instar de certains de ses illustres prédécesseurs, ceux qu'il respecte, ceux qu'il admire, de Gaulle, Pompidou et Mitterrand. La France est un roman épique dans lequel chaque roi de France écrit sa page avec son style dans le fil de l'épée et de la plume. Ceux-là étaient de véritables lettrés qui écrivaient, qui aimaient les livres jusqu'à les caresser. Mitterrand ne fait pas semblant de consulter les Essais de Montaigne. L'ancien Président socialiste avait choisi pour son portrait officiel la photographe des écrivains, Gisèle Freund. Mais Nicolas Sarkozy, qui lit peu de romans, a éprouvé une véritable fascination pour deux auteurs, Céline et Albert Cohen. Un écrivain juif sépharade - Sarkozy a du sépharade en lui - et un autre qui fut accusé d'antisémitisme, mais dont le style a beaucoup fait pardonner. Et puis le Président admire ceux qui maîtrisent les mots, qui réussissent à en faire des œuvres. Quand il écrit - lui-même ! - son livre « Libre » (ce n'était pas Belle du seigneur), il a été heureux comme un enfant. Quand il figurait en tête de la liste des best-sellers, c'est comme s'il avait été élu Président de la République et que cette élection-là, celle du public lettré, préfigurait l'autre.

Rien à voir en tous cas avec l'air plus moderne, faussement décontracté qu'avaient choisi Chirac, genre monarque aux Champs, ou Valéry Giscard d'Estaing qui avait introduit du mouvement en posant sur fond de drapeau bougeant grâce à un faux vent.

C'est le photographe Philippe Warin qui a suggéré d'ajouter le drapeau européen. Nicolas Sarkozy a volontiers souscrit à l'innovation. Regardez bien : sa façon d'être auprès des oriflammes. On dirait qu'il vient de les relever, qu'il peut les brandir à n'importe quel moment. Trop fort !

C'est toute la force de cette photo travaillée, réfléchie mais réalisée en 20 minutes : son sujet réussit à être mobile et en mouvement, dans le temps sépia d'autrefois et dans le coloris vif de demain. C'est un cliché classique et c'est une photo de star. Si française, bien de chez nous et si Hollywood. On sent qu'il va repartir en courant sans oublier les Ray ban qu'il porte toujours maintenant qu'il est si proche du soleil…
Demandez la photo
Par Nicolas Domenach, directeur adjoint de la rédaction de Marianne.

Lucifer a écrit:Les livres,c'est pour le décor,et pour qu'il n'y ait pas de poussiere sur les rayons.

guly a écrit:je le verrais plutôt debout sur une pile de livre avec le drapeau européen dans le cul et en s'agrippant sur celui de la france, non ?

zoubida a écrit:Si je puis me permettre.
Roubaisien.