fuam
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le deal à ne pas rater :
Pokémon EV06 : où acheter le Bundle Lot 6 Boosters Mascarade ...
Voir le deal

Voyage au bout de l'enfer

3 participants

Aller en bas

Voyage au bout de l'enfer Empty Voyage au bout de l'enfer

Message par sorlac Mer 13 Avr - 20:08

Pendant qu'en France on se gargarise avec les morts de JP2 et Rainier et que la polémique enfle autour du référendum, au Darfour on execute, on torture.

«J'ai vu des hommes castrés et saignés jusqu'à la mort»
Brian Steidle a passé six mois au Darfour comme observateur pour l'Union africaine. Dans cette région de l'ouest du Soudan où le cessez-le-feu est régulièrement violé, les massacres continuent. Cet ancien marine américain est le premier à s'exprimer publiquement sur ces atrocités.

Par Anne PENKETH
mardi 12 avril 2005



"Pendant les six mois que j'ai passés au Darfour comme observateur du cessez-le-feu, j'ai vu brûler des villages entiers avec des Soudanais enfermés dans leur hutte. J'ai vu des villageois aux yeux ou aux oreilles arrachées, j'ai vu des hommes qui avaient saigné jusqu'à la mort après avoir été castrés. J'ai interviewé des femmes qui avaient été violées à plusieurs reprises alors qu'elles ramassaient du bois. J'ai pu constater des exécutions sommaires. J'ai traversé un champ où il était impossible de se déplacer sans marcher sur des os humains.

Les massacres du Darfour, décrits l'année dernière par les Nations unies comme la pire crise humanitaire au monde, se poursuivent depuis maintenant deux ans. Tandis que les grandes puissances débattent pour savoir si les crimes de guerre perpétrés dans l'ouest du Soudan sont un génocide et comment les punir, les milices arabes continuent les massacres, principalement de la population noire africaine. Du jour de mon arrivée, en septembre, jusqu'à mon départ, le mois dernier, il n'y a pas vraiment eu de changement dans la situation sur le terrain. Ça ne s'est pas amélioré, ça n'a pas empiré, bien que la violence ait apparemment atteint son apogée en décembre-janvier. En fait, nous avions l'habitude de dire pour plaisanter que le cessez-le-feu était introuvable et que, si quelqu'un pouvait dire où il était, nous serions heureux de le prendre en charge.

Hélicoptères de combat. Le jour où je suis allé sur le terrain pour la première fois, il y a eu une attaque, et le dernier jour, juste avant mon départ, il y a aussi eu une attaque. C'est un conflit unilatéral : d'après ce que nos équipes ont pu voir, de 90 % à 95 % des attaques sont le fait du gouvernement et des milices arabes alliées. Elles ont expulsé plus d'un million de personnes de chez elles. La majorité des attaques visent des cibles civiles et des villageois. Seules quelques attaques sont conduites par des rebelles, principalement contre des postes de police, afin de récupérer des armes et des munitions.

Une des pires attaques que nous ayons pu constater, avec mon équipe de huit observateurs, a eu lieu au village de Labado, dans le Sud-Darfour, en décembre. Des hélicoptères de combat du gouvernement ont fondu sur ce bourg de 20 000 personnes et l'ont réduit en cendres. Trois mille soldats l'ont pris d'assaut, aidés par la milice arabe des Jenjawids. Après avoir été contactés par un groupe rebelle, nous avons rejoint le village tandis que l'attaque faisait rage. Un général soudanais nous a déclaré que leur mission était de libérer la route, d'où nous étions jusqu'à Khartoum, à plusieurs centaines de kilomètres de là. Il nous a dit que, si ses troupes rencontraient la moindre résistance sur leur passage, elles engageraient le combat. Voici ce qui se passe quand ils rencontrent une résistance. Nous avons vu un groupe d'hommes en uniforme dans un Land Cruiser Toyota, qui, d'après le général, allaient simplement chercher de l'eau. Mais, un peu plus bas sur la route, ils ont sauté de leur véhicule, ont pillé une hutte et l'ont brûlée. En tant qu'observateurs, la seule chose que nous pouvions faire était de prendre des photos et d'écrire notre rapport.

Pendant ma mission là-bas, on nous signalait jusqu'à cinq cas de violation de cessez-le-feu par jour. Nous avons conduit plus de 200 enquêtes et rédigé 80 rapports extrêmement précis sur les violations du cessez-le-feu par le gouvernement. Mais nous ne savons pas avec certitude s'ils sont parvenus à leurs destinataires dans les pays donateurs. L'Union africaine a pris la direction des opérations pour régler l'insécurité au Darfour, et a désormais posté environ 3 000 soldats dans la région. Le gouvernement de Khartoum vient d'approuver le fait de porter ce nombre à 6 000. Le problème, c'est que le mandat de l'Union africaine autorise les soldats africains à protéger seulement les observateurs du cessez-le-feu, mais pas la population civile. Il semble peu probable que le gouvernement soudanais, qui a accepté le déploiement de ces observateurs, accepte volontiers le déploiement d'une force extérieure envoyée pour rétablir la paix sur son territoire souverain.

Exemple de dissuasion. C'est pourquoi les commandants de secteur de l'Union africaine ont inventé des moyens ingénieux pour dissuader les forces arabes qui maraudent. Ils ont compris que, si on déploie une équipe d'observateurs dans un village pendant une semaine, on peut alors déployer des troupes pour protéger les observateurs et, par la même occasion, protéger les civils. Une semaine après l'attaque sur Labado, l'Union africaine a mis 70 soldats dans le bourg avec un groupe de dix observateurs. La présence de la petite troupe non seulement a convaincu le gouvernement de se retirer, mais, de plus, 3 000 personnes sont revenues sur les ruines fumantes de leur ville pour commencer à la reconstruire. Depuis deux semaines, à ce qu'on m'a dit, 10 000 personnes sont déjà de retour. Muhajeriya, une ville voisine, deux fois la taille de Labado, était l'un des derniers fiefs des rebelles dans le Sud. Les rebelles nous ont dit que, si on les attaquait, ils se battraient jusqu'à la mort : nous savions qu'il y aurait des centaines ou des milliers de blessés. Il nous fallait faire quelque chose. Nous avons mis 35 soldats dans cette ville de 40 000 personnes, non pas pour protéger la ville, mais pour assurer la sécurité d'une équipe de contractants qui construisaient un camp en dur. Ces 35 soldats ont suffi à empêcher le gouvernement d'avancer. Voilà un exemple de dissuasion que l'on peut répéter à l'envi. Mais, comme le Darfour est grand comme la France et qu'il faudrait une unité militaire dans chaque village, ma meilleure estimation est qu'il faudrait de 25 000 à 50 000 soldats.

Soyons clairs : les troupes occidentales devraient rester en dehors du Darfour. C'est l'affaire de l'Union africaine et de ses troupes. Or, désormais, elles augmentent. Elles ont de plus en plus besoin d'équipements de la part des pays donateurs, plutôt que d'argent. Et se pose aussi la question du mandat afin que les civils soient effectivement protégés. Le Royaume-Uni a donné l'exemple de la meilleure façon de soutenir la mission. En janvier, tandis que j'étais là-bas, les Britanniques ont donné 147 véhicules à l'Union africaine. Mais il en faudrait encore plus. J'ai décidé de faire une déclaration publique parce que l'Union africaine considère que tout ce qu'elle fait est confidentiel ou classé secret ­ évidemment, elle doit être prudente car il lui faut continuer à fonctionner avec le gouvernement de Khartoum. Mais je pense qu'elle ne peut pas obtenir le soutien international si elle ne partage pas les informations sur ce qui se passe. Pour le moment, le gouvernement de Khartoum peut exprimer son point de vue dans les rapports de l'Union africaine, le plus souvent pour dire qu'il ne les approuve pas ou que nous n'avons aucune preuve. Les équipes de l'Union africaine, composées de huit personnes environ, sont dirigées par un membre de l'Union africaine assisté d'un adjoint de l'Union africaine. Elles incluent aussi des représentants du gouvernement soudanais et des groupes rebelles, ainsi qu'un médiateur tchadien et un représentant de l'Union européenne ou des Etats-Unis. Dans mon équipe, j'étais le représentant des Etats-Unis. Mais la mission d'observation est toujours désespérément déficitaire en personnes, étant donné que les tueries continuent malgré le cessez-le-feu.

Exécutions sommaires. On ne peut en aucune façon dire combien de morts on déplore. Si dans un village on en décompte une centaine à peu près, cent vingt autres personnes seront déclarées manquantes, car il n'y a pas de moyen de savoir si elles ont fui dans la brousse. Mais, dans tous les cas, le nombre annoncé de 70 000 morts est absolument ridicule parce qu'il était fondé sur les morts de maladie et de famine et qu'on n'a jamais pris en compte les massacres. Le nombre d'environ 400 000, mentionné cette semaine par la commission d'enquête des Affaires étrangères à la Chambre des communes britannique, est probablement une bonne estimation. A condition de considérer que 10 000 personnes au moins meurent chaque mois pour des raisons humanitaires et d'y ajouter les morts des combats en cours.

Voici le type d'atrocités que j'ai pu voir. En décembre, on nous a amenés à deux ou trois kilomètres à l'extérieur du village d'Adwa, dans un champ carré de 50 m de côté, où l'on ne pouvait marcher sans piétiner des ossements humains. Nous n'avions pas la moindre idée du nombre de personnes tuées là. Les animaux les avaient déchiquetées pendant des semaines et il ne restait plus désormais que des os partout où on allait. Lorsque nous sortions en patrouille, nous pouvions voir des villages totalement brûlés et des centaines de cadavres. Nous avons interviewé des femmes qui avaient été violées, parfois par plusieurs soldats. Nous avons pu voir des preuves de torture, lorsque nous trouvions les corps. Souvent, lorsqu'un village est attaqué, les gens courent se réfugier dans la brousse, mais ils sont poursuivis et tués par les assaillants. Lorsqu'ils rattrapent un homme qui tente de se cacher, ils le castrent et parfois le laissent mourir d'hémorragie. On peut dire qu'il y a eu des exécutions sommaires parce que l'on trouve des gens qui ont été abattus d'un coup de pistolet derrière la tête. Et quand ils brûlent les villages, si des gens se cachent dans leur hutte, les soldats ferment les portes et les brûlent aussi. A Um Ziefa, un village d'environ 1 500 personnes, nous sommes arrivés au moment où les milices Jenjawids avaient commencé à brûler les huttes après les avoir pillées. Il leur a fallu deux ou trois jours pour finir leur besogne. Ce qui me désespère, ce sont les discussions aux Nations unies pour savoir s'il faut déférer ceux qui ont perpétré ces crimes de guerre devant la Cour pénale internationale. La question ne devrait même pas se poser. Quand on voit une vieille femme attaquée dans la rue, on ne se demande pas si c'est un meurtre ou une agression, on intervient pour lui porter secours. Je pense que c'est ce qu'on doit faire au Darfour. Tout le monde devrait se demander comment nous pouvons arrêter les tueries maintenant.

Après six mois au Darfour, il m'est impossible de rester le même. Je n'ai pas encore eu le temps de considérer comment cette expérience m'a transformé, mais je sais que j'ai changé. Mon objectif maintenant, tout en menant une campagne pour le Darfour, est de rejoindre ma soeur qui dirige une organisation consacrée aux problèmes quotidiens des femmes démunies. Les femmes et les enfants sont ceux qui prennent de plein fouet les coups les plus durs dans un conflit comme celui-ci. J'espère que nous pourrons visiter des camps pour personnes déplacées au Tchad et au Kenya. Je ne pourrai jamais retourner au Soudan.»

(The Independent du 1er avril 2005)
(Traduit par Jean-Charles Burou)

http://www.liberation.fr/page.php?Article=288904
sorlac
sorlac
moulin à paroles

Nombre de messages : 1069
Localisation : Banlieue lyonnaise
Date d'inscription : 03/01/2005

http://sorlac.blogspot.com

Revenir en haut Aller en bas

Voyage au bout de l'enfer Empty Re: Voyage au bout de l'enfer

Message par Ungern Mer 13 Avr - 20:23

Nous avons conduit plus de 200 enquêtes et rédigé 80 rapports extrêmement précis ....


Ahhhhh ....
Ben alors,c'est sûr qu'on va intervenir ....

Si j'avais pas tant envie de pleurer,
Je m'écroulerais de rire devant tant de naïveté ...
Ungern
Ungern
Bavard(e)

Nombre de messages : 971
Localisation : I'M Back !
Date d'inscription : 04/01/2005

http://palestine1967.site.voila.fr

Revenir en haut Aller en bas

Voyage au bout de l'enfer Empty Re: Voyage au bout de l'enfer

Message par nevermind Ven 15 Avr - 10:18

Personne n'a bouge pour le Rwanda ou il y a eu pas loin d'un million de morts. Qu'est ce que vous esperez exactement au Soudan?

Nev

nevermind
Langue pendue

Nombre de messages : 92
Date d'inscription : 07/01/2005

Revenir en haut Aller en bas

Voyage au bout de l'enfer Empty Re: Voyage au bout de l'enfer

Message par sorlac Ven 15 Avr - 19:45

nevermind a écrit:Personne n'a bouge pour le Rwanda ou il y a eu pas loin d'un million de morts. Qu'est ce que vous esperez exactement au Soudan?

Nev
Rien de la part des Occidentaux ! Mis à part les organisations humanitaires !
sorlac
sorlac
moulin à paroles

Nombre de messages : 1069
Localisation : Banlieue lyonnaise
Date d'inscription : 03/01/2005

http://sorlac.blogspot.com

Revenir en haut Aller en bas

Voyage au bout de l'enfer Empty Re: Voyage au bout de l'enfer

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum