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Murs de la ville .... murmures des murs ...

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Murs de la ville .... murmures des murs ... Empty Murs de la ville .... murmures des murs ...

Message par rachel Sam 7 Mai - 12:40

Une culture urbaine sans pub ni police
Les graffs de la contestation
Sans forcément formuler des slogans politiques, les graffs
représentent une certaine forme de résistance. De toutes couleurs, de toutes formes, ils peinent de plus en plus à trouver une place au milieu des panneaux publicitaires. Les graffeurs, qui s’approprient une partie de l’espace urbain, sont souvent victimes de la répression policière. Mais cette culture de rue persiste et signe.

Graffer c’est donner la vie à des murs tristes et ternes qui, chaque jour, nous font sombrer encore plus dans la tristesse et la monotonie. » J’ai lu cette définition sur l’un des nombreux panneaux dressés lors de la commémoration de la mort, il y a un an, de Mickaël Cohen, dix-neuf ans, poursuivi par la Brigade anticriminalité (BAC) et ses chiens alors qu’il taguait sur une autoroute avec un copain. Il s’est enfui et a plongé dans la Marne pour leur échapper. Il s’est noyé. La police n’a rien fait pour le sauver. Je lui dédie cet article, fruit d’une longue et très instructive discussion avec un jeune graffeur.

Le graff et le tag viennent de New York, dans les années 1970. Le premier article qui en parle y paraît en 1983. Le mouvement démarre sur les trains, prend son essor et s’exporte sur les murs, dans la rue, les endroits où on peut voir les tags et les graffitis. L’Europe et le reste du monde suivent. Tout part du tag : la signature de l’artiste, son pseudo. Le tag a commencé sur le réseau délabré des trains, là où jouaient les kids, dans le Bronx et les banlieues new-yorkaises. Ils ont pris de la peinture, commencé à faire des tags plus gros, puis avec une deuxième bombe, ils ont dessiné le contour extérieur. Ils ont développé les graffitis, qui sont des lettres dessinées. On passe du tag au graff en passant d’une signature à une pièce équilibrée, construite, travaillée en général sur papier et reproduite sur des trains, qui font circuler le nom du créateur... Le tag, c’est la couleur que vous avez sur vous. Le graffiti a ses codes couleurs, en général deux couleurs, une positive et une négative : une couleur claire pour remplir, une couleur foncée pour les « ombres », les contours. Puis les couleurs se diversifient, avec une influence de la BD et de la musique. Le graff est passé d’une présentation en un seul jet à une construction, avec l’envie de montrer une maîtrise de la lettre et de son habillage.

Le principe du graffiti est celui de la publicité : afficher son nom partout dans la ville, sur tous les supports possibles. L’idée est de faire mieux que le « concurrent », on peint un wagon, puis un métro. Ça ne s’arrête jamais.

Un art pour résister


Tout vient de la volonté de dire qu’on existe au milieu des milliers, millions d’habitants d’une ville. C’est une appropriation de l’environnement urbain. C’est une deuxième vie, où le graffeur existe sous et par son pseudo, qui doit être le plus visible. Il doit donc le répéter à l’infini. Démarche individualiste au départ avec l’attrait qu’offre le monde interdit des brigands. « Le graffiti, c’est massacrer une ville avec des milliers de bombes sans faire de victimes » disait un tagueur. Mais pour « massacrer » la ville, on se rend compte qu’on est plus fort à plusieurs. Il y ceux qui aiment le côté artistique, et ceux qui préfèrent le côté vandale. Des synergies se forment, des groupes se créent. Il y a l’individu et l’entité, on met son nom et celui du groupe. Le monde du graffiti est multiple, multiethnique, multiculturel, mélangé. On y trouve intelligence ou bêtise, richesse ou pauvreté.Les précurseurs du graff en France avaient un esprit underground, revendicatif. Culture du béton et de la ferraille, art de la lettre, le graff diffère de l’illustration. Parfois, des messages ont une portée politique, mais c’est rare, car dans la rue, le temps est très limité. Le fait de s’approprier quelque chose est déjà en soi contestataire.

Pour être plus fort que les autres, il faut travailler la lettre de façon plus stylisée, plus colorée, la quantité compte mais la qualité aussi. On s’améliore en vieillissant et il n’y a pas que des jeunes qui graffent. « Se prendre pour des artistes serait se prendre un peu trop au sérieux. Mais plus on pratique, meilleur on est », me dit mon interlocuteur. Le graff, c’est de la peinture, mais il y a un côté mythique et narcissique en plus.

Il y a plusieurs écoles, certains évoluent vers l’illustration, c’est très joli mais ce n’est plus du graff. Quand les tagueurs travaillent en groupe sur un mur, soit chacun fait son graff, d’où ces murs gigantesques au caractère hétéroclite, soit le travail se fait à plusieurs autour d’un thème commun, papier et fond préparés, et le graffiti s’intègre dans une illustration. Pour séduire le public il y a un côté illustratif, des personnages, des décors, une histoire, toujours des lettres, design et esthétique en moins : de tous et pour tous les goûts. Décoration ou peinture, le débat est présent aussi dans le graffiti. Pas de règle, chacun agit selon son désir, ça reste de la peinture, un loisir avec des codes et plus ou moins d’intensité, mais l’originalité du graffiti, c’est le travail de la lettre.

Face à la répression

Les œuvres sont très éphémères : 90 % disparaissent dans l’année. À la fin du règne Tibéri, un lessivage des murs très coûteux a effacé vingt ans de graff. Restent la rue, les places au-dessus de quatre mètres, là où on n’efface pas. Prise de risque, mais là justement est l’intérêt. Il y a des morts, des chutes d’échafaudages. Certains pensent que sans risque on ne fait rien, que c’est là le secret de la vie. Ils graffent les camions, montent sur les toits, se faufilent dans les derniers terrains vagues de Paris. Ils pensent en publicitaires, mais pour leur propre compte. Face à la répression, ils savent qu’ils sont hors la loi, mais pensent qu’il y aurait moins de pratiquants sans cet attrait de l’interdit. Certains sont condamnés à des amendes qu’ils mettront leur vie à payer. Accusés d’être des terroristes, appartenant à des bandes organisées, associés au phénomène d’insécurité, ils subissent une répression et une violence totalement disproportionnées.

Au milieu de la pub omniprésente, ils prennent simplement sans demander les emplacements de leur choix. Ne sommes-nous pas là devant l’un des premiers signes d’un art pratiqué par tous ?

Alexis Violet

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