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Allez donc mourir ailleurs! ( Hopital danger ! )

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Allez donc mourir ailleurs! ( Hopital danger ! ) Empty Allez donc mourir ailleurs! ( Hopital danger ! )

Message par rachel Ven 26 Sep - 6:06

Allez donc mourir ailleurs !par Caroline Fourest
LE MONDE | 25.09.08 |


Les scénaristes américains sont doués pour le suspens. Mais leur talent ne doit pas tout à l'imagination. Prenez ces moments d'intense émotion où le héros arrive mourant à l'hôpital. On ne sait pas s'il va survivre. Et là, au lieu de l'amener au bloc en toute hâte, l'infirmier lui réclame sa carte bancaire pour s'assurer de sa solvabilité... A côté, les séries françaises ronronnent. Tout le monde se doute que notre héros, qu'il soit riche ou pauvre, sera admis et soigné dans un hôpital public. Mais réjouissons-nous. Dans quelques années, les séries françaises seront aussi palpitantes qu'aux Etats-Unis. Avec un peu de chance, on fera même grimper la courbe des infarctus. Notamment parce que les malades au bord de l'arrêt cardiaque auront mis un certain temps à trouver un hôpital qui veuille bien les admettre.

Au nom de la "culture du résultat" et d'une conception managériale de l'hôpital public, le président de la République souhaite en effet "responsabiliser" les établissements de santé. Comment ? En rendant public un tableau qui les classera selon des "indicateurs simples" comme le "taux d'infection" et le "taux de mortalité". "Je veux des résultats concrets", a-t-il prévenu.

Les hôpitaux qui obtiendront un bon score seront récompensés, les autres sanctionnés. Pour obtenir de bons points (entendez : des budgets), les hôpitaux publics devront donc veiller à ne pas admettre trop de malades susceptibles de trépasser, comme les victimes d'un carambolage sur l'autoroute, sous peine de faire chuter leur classement au tableau d'honneur.

Loin des discours censés mettre un peu de raison dans la foi en l'utralibéralisme, celui tenu sur la "réforme des soins" montre que le président tient à appliquer une grille de lecture commerciale au monde médical. L'hôpital y est envisagé comme une entreprise, et la santé publique comme une marchandise. Notamment lorsqu'il explique : "Je ne vois pas pourquoi une politique d'intéressement, à laquelle je crois tant dans le secteur privé, ne s'appliquerait pas dans le secteur hospitalier." Il menace de sanctionner les hôpitaux en déficit, mais propose d'intéresser le personnel hospitalier en cas d'"excédents" : "Pourquoi ne pas permettre aux hôpitaux qui sont à l'équilibre, grâce aux efforts de tous leurs personnels, de redistribuer une partie des excédents ?"

Mais de quels excédents parle-t-on ? A quoi ressemblera l'hôpital public si son personnel est censé réfléchir en termes de profits, voire refuse les mourants pour rester compétitif ? Pour faire des profits, faut-il souhaiter plus de malades, augmenter les tarifs, faire de l'abattage ? Dans l'hypothèse absurde où le personnel médical travaillerait 24 heures sur 24 sans tuer trop de malades, que signifie de vouloir redistribuer les profits ainsi engrangés au personnel ? Y a-t-il trop d'argent dans les caisses de l'Etat que l'on puisse s'en passer ? D'ailleurs, au fond, que signifie cet "intéressement" ? Suffirait-il que les équipes hospitalières travaillent plus ou soient plus motivées pour que les hôpitaux publics soient excédentaires ?

Comme souvent avec les déclarations du président, tout est dans ce que les Américains appellent le subtext (le sous-texte) : le sens caché d'une phrase. Tout comme les franchises médicales, l'intéressement est une façon non avouée de désigner les personnels hospitaliers et les malades comme étant coresponsables des déficits de santé, pour mieux faire oublier qu'ils sont surtout imputables au désengagement de l'Etat et à ses priorités budgétaires.

Pourtant, le président l'admet lui-même, les difficultés que rencontrent les hôpitaux publics français - parmi les meilleurs au monde - tiennent surtout à l'augmentation de la demande : le vieillissement de la population va de pair avec un surcroît de consultations, d'hospitalisations, et donc un besoin grandissants en lits. Or que fait l'Etat ? Sous prétexte de faire des "économies d'échelle", il a passé l'essentiel de ces dernières années à supprimer des lits et à fermer des services. Loin d'être ralenti depuis la crise de la canicule et loin des mises en gardes du Syndicat des urgentistes de Patrick Pelloux, ce phénomène s'est accéléré depuis que les hôpitaux sont passés d'un système de dotation globale - qui permettait une certaine souplesse dans la répartition des financements entre les différentes activités - à un système de tarification par activité...

Jadis, un chef d'établissement hospitalier était responsable de son établissement et s'organisait de façon à proposer toute une palette de soins coordonnés. Aujourd'hui, il reçoit ses ordres de la part de technocrates travaillant pour des pôles de santé régionaux, dont l'obsession est de faire des économies d'échelle et non d'offrir un service public de proximité. Le plan Hôpital 2007 a foncé dans cette voie.

Officiellement, il était question d'accompagner cette réorganisation sur un mode entrepreneurial par un plan de relance ambitieux en termes d'équipement et d'infrastructures. Mais, d'après les syndicats, la construction de nouveaux équipements et bâtiments s'est faite aux deux tiers grâce à des autofinancements, c'est-à-dire en prenant sur les budgets des hôpitaux, qui ont dû sacrifier des activités moins rentables ou supprimer du personnel pour s'ajuster. Les critères d'évaluation du président ne disent rien de ces "équilibres"-là. Il existe des transparences absurdes qui ressemblent à des écrans de fumée.


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Caroline Fourest est essayiste et rédactrice en chef de la revue ProChoix.
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Message par Francois Jeu 2 Oct - 12:50

rachel a écrit:
Allez donc mourir ailleurs !par Caroline Fourest
LE MONDE | 25.09.08 |


Les scénaristes américains sont doués pour le suspens. Mais leur talent ne doit pas tout à l'imagination. Prenez ces moments d'intense émotion où le héros arrive mourant à l'hôpital. On ne sait pas s'il va survivre. Et là, au lieu de l'amener au bloc en toute hâte, l'infirmier lui réclame sa carte bancaire pour s'assurer de sa solvabilité... A côté, les séries françaises ronronnent. Tout le monde se doute que notre héros, qu'il soit riche ou pauvre, sera admis et soigné dans un hôpital public. Mais réjouissons-nous. Dans quelques années, les séries françaises seront aussi palpitantes qu'aux Etats-Unis. Avec un peu de chance, on fera même grimper la courbe des infarctus. Notamment parce que les malades au bord de l'arrêt cardiaque auront mis un certain temps à trouver un hôpital qui veuille bien les admettre.

Au nom de la "culture du résultat" et d'une conception managériale de l'hôpital public, le président de la République souhaite en effet "responsabiliser" les établissements de santé. Comment ? En rendant public un tableau qui les classera selon des "indicateurs simples" comme le "taux d'infection" et le "taux de mortalité". "Je veux des résultats concrets", a-t-il prévenu.

Les hôpitaux qui obtiendront un bon score seront récompensés, les autres sanctionnés. Pour obtenir de bons points (entendez : des budgets), les hôpitaux publics devront donc veiller à ne pas admettre trop de malades susceptibles de trépasser, comme les victimes d'un carambolage sur l'autoroute, sous peine de faire chuter leur classement au tableau d'honneur.

Loin des discours censés mettre un peu de raison dans la foi en l'utralibéralisme, celui tenu sur la "réforme des soins" montre que le président tient à appliquer une grille de lecture commerciale au monde médical. L'hôpital y est envisagé comme une entreprise, et la santé publique comme une marchandise. Notamment lorsqu'il explique : "Je ne vois pas pourquoi une politique d'intéressement, à laquelle je crois tant dans le secteur privé, ne s'appliquerait pas dans le secteur hospitalier." Il menace de sanctionner les hôpitaux en déficit, mais propose d'intéresser le personnel hospitalier en cas d'"excédents" : "Pourquoi ne pas permettre aux hôpitaux qui sont à l'équilibre, grâce aux efforts de tous leurs personnels, de redistribuer une partie des excédents ?"

Mais de quels excédents parle-t-on ? A quoi ressemblera l'hôpital public si son personnel est censé réfléchir en termes de profits, voire refuse les mourants pour rester compétitif ? Pour faire des profits, faut-il souhaiter plus de malades, augmenter les tarifs, faire de l'abattage ? Dans l'hypothèse absurde où le personnel médical travaillerait 24 heures sur 24 sans tuer trop de malades, que signifie de vouloir redistribuer les profits ainsi engrangés au personnel ? Y a-t-il trop d'argent dans les caisses de l'Etat que l'on puisse s'en passer ? D'ailleurs, au fond, que signifie cet "intéressement" ? Suffirait-il que les équipes hospitalières travaillent plus ou soient plus motivées pour que les hôpitaux publics soient excédentaires ?

Comme souvent avec les déclarations du président, tout est dans ce que les Américains appellent le subtext (le sous-texte) : le sens caché d'une phrase. Tout comme les franchises médicales, l'intéressement est une façon non avouée de désigner les personnels hospitaliers et les malades comme étant coresponsables des déficits de santé, pour mieux faire oublier qu'ils sont surtout imputables au désengagement de l'Etat et à ses priorités budgétaires.

Pourtant, le président l'admet lui-même, les difficultés que rencontrent les hôpitaux publics français - parmi les meilleurs au monde - tiennent surtout à l'augmentation de la demande : le vieillissement de la population va de pair avec un surcroît de consultations, d'hospitalisations, et donc un besoin grandissants en lits. Or que fait l'Etat ? Sous prétexte de faire des "économies d'échelle", il a passé l'essentiel de ces dernières années à supprimer des lits et à fermer des services. Loin d'être ralenti depuis la crise de la canicule et loin des mises en gardes du Syndicat des urgentistes de Patrick Pelloux, ce phénomène s'est accéléré depuis que les hôpitaux sont passés d'un système de dotation globale - qui permettait une certaine souplesse dans la répartition des financements entre les différentes activités - à un système de tarification par activité...

Jadis, un chef d'établissement hospitalier était responsable de son établissement et s'organisait de façon à proposer toute une palette de soins coordonnés. Aujourd'hui, il reçoit ses ordres de la part de technocrates travaillant pour des pôles de santé régionaux, dont l'obsession est de faire des économies d'échelle et non d'offrir un service public de proximité. Le plan Hôpital 2007 a foncé dans cette voie.

Officiellement, il était question d'accompagner cette réorganisation sur un mode entrepreneurial par un plan de relance ambitieux en termes d'équipement et d'infrastructures. Mais, d'après les syndicats, la construction de nouveaux équipements et bâtiments s'est faite aux deux tiers grâce à des autofinancements, c'est-à-dire en prenant sur les budgets des hôpitaux, qui ont dû sacrifier des activités moins rentables ou supprimer du personnel pour s'ajuster. Les critères d'évaluation du président ne disent rien de ces "équilibres"-là. Il existe des transparences absurdes qui ressemblent à des écrans de fumée.


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Caroline Fourest est essayiste et rédactrice en chef de la revue ProChoix.

Sarkozy semble ignorer deux choses, d'une part que tous les hommes sont mortels, d'autre part que la quai-totalité des gens meurent à l'hôpital.
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