Lire "Le Vaisseau des morts", de B. Traven.

Dans les années vingt, un marin Américain faisant escale à Anvers, découvre un jour que son bateau est parti sans lui. Sans argent, sans papiers, il va aller de pays en pays, sans cesse interpellé par la police, du pays en question, qui le met en prison puis lui fait passer la frontière en douce. Bien entendu, aucun consul Américain des pays dans lesquels il se retrouve, ne reconnaît sa nationalité Américaine. En gros, il n'est plus rien, il n'existe plus. Tout le monde n'est pas, évidemment, traité de la même manière. Ainsi, à un moment donné, dans un des consulats dans lesquels ils se rend pour tenter d'obtenir pour la énième fois des papiers, une dame fortunée, qui avait perdu les siens, obtient tout de suite les faveurs du consul, tandis que notre héros malheureux, lui, se voit une nouvelle fois éconduire.
Finalement, ce brave marin retrouve un bateau, le seul qui prend des marins sans papiers, la Yorikke, véritable tombeau des mers, dans lesquels sont embarqués des individus de diverses nationalités, qui ressemblent plus, au premier abord, à des pirates en guenilles qu'à des moussaillons. Notre héros va découvrir des conditions de vie difficilement supportables : quarts interminables, bouffe exécrable, lit sans matelas, pas de savon (le capitaine prétexte que les marins doivent avoir leur propre savon, ainsi, d'ailleurs que leurs propres couverts), paie minable... Soutier, il travaille dans une chaleur d'enfer, se brûle, s'écorche, saigne. Il travaille avec un nommé Stanislaw, avec lequel il noue une amitié. Stanislaw lui raconte son aventure, ou plutôt, ses mésaventures. Comme notre héros, il est, bien malgré lui, apatride. Né dans une ville qui, avant guerre, se trouvait en Allemagne, et se trouve aujourd'hui en Pologne, il n'est reconnu ni par l'Allemagne, qu'il a pourtant servi, lors de la guerre, ni par la Pologne. Ne réussissant donc pas à obtenir de papiers, il ne trouve finalement comme solution, rejeté de toute part, menacé d'emprisonnement, que l'embarquement sur la Yorikke. Puis il lui raconte des histoires semblables, d'autres individus ayant vécu la même situation, s'étant embarqués, en fin de compte sur la Yorikke, et n'ayant pas survécu aux conditions de vie effroyables, sur ce navire tombeau. Leur corps finit par aller nourrir les poissons.
Les seules fois ou les conditions s'améliorent, sur ce bateau, sont les escales, durant lesquelles le capitaine se livre à son trafic d'armes, généralement en Méditerranée. A ce moment, les marins ont droit à un copieux déjeuner...
Stanislaw n'est pas dupe non plus des intentions du capitaine : en effet, celui-ci compte bien faire échouer le vieux tas de ferraille qu'il dirige, afin de toucher de confortables indemnités, de la part des sociétés d'assurance.
Ce livre n'est pas d'une noirceur absolue, bien qu'il décrive des conditions de vie indignes pour un être humain. Au contraire, les situations, du moins au début du livre, sont pour le moins burlesques, voire Kafkaiennes, prêtent volontiers à sourire. Le héros à une conscience de classe, et en même temps, il prend la chose avec philosophie. Bref, un excellent livre, comme la plupart de ceux qu'à écrit Traven (pour celles et ceux qui connaissent).

Le Vaisseau des morts - éditions la découverte - 13 euros 50

Pour en savoir plus sur B. Traven :

http://www.webzinemaker.com/admi/m1/page.php3?num_web=3764&rubr=3&id=16448

Je conseille particulièrement la lecture de son chef d'oeuvre : La révolte des pendus.