Les cadres sont-ils fous ?
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Les cadres sont-ils fous ?
par das_Yog Mer 26 Jan - 19:44
http://www.technikart.com/article.php3?id_article=760
Jadis fer de lance du projet entreprenarial, le cadre tente aujourd'hui de sauver sa peau dans un système auquel lui-même ne comprend plus rien. Stressé, précarisé, désacralisé : le surhomme des années 90 est-il en train de devenir fou ?
Par Dorian Dumont le 5 janvier 2005
Il était une fois le cadre : un homme (ou une femme) brillant, qui était envié et respecté dans la société (dans la sienne aussi). Jusqu'à la fin des années 90, le cadre (ou responsable… On l'appellera aussi comme ça au cours de ce papier pour ne pas trop se répéter) gagne bien sa vie, il a même l'air heureux avec sa cravate, son attaché case et son air hyper actif. Il a pris la bonne habitude de régler sa salade et sa 33cl de San Pellegrino les yeux fermés (puisque note de frais). Il se paye le luxe d'avoir plein de cravates (parfois même des modèles Titi & Gros minet) et abuse des belles chemises colorées. Mais depuis quelques années, il devient un élément perdu, un instrument qui devient vite obsolète, et qui peut être remplacé en 5 minutes. Son sentiment d'insuffisance professionnelle le pousse parfois à bout, le mettant dans des états de stress hasardeux. Le cadre a donc aujourd'hui beaucoup de mal à savoir comment il est évalué. Il se sent parfois autonome, parfois prisonnier de sa direction qui lui impose des objectifs, un chiffre, des progrès, de la productivité, de la rentabilité…Et le responsable s'égare, tendu par ses obligations de résultats pour lesquels il se donne « à 120% ». Selon une étude menée par la fédération française de l'encadrement : seulement 53% d'entre eux pensent que leurs objectifs sont réalisables. S'il y a 20 ans encore, il était un individu étincelant au regard de la société, son image se dégrade en même temps que ses doutes s'amplifient. La sécurité, il l'a oubliée. « Le CDD, vous savez quand il se termine. Le CDI, vous ne savez pas quand il se termine, c'est la seule différence aujourd'hui. Les deux sont précaires » nous confie un ex cadre dans l'industrie automobile. Il pense que le stress des cadres est principalement généré par les directions qui les considèrent souvent comme des outils, et non comme potentiel humain. « On peut vous forcer, pousser, sans cesse placer la barre plus haute, mais tant que vous êtes stressé, vous n'optimiserez pas votre travail ». Plus on met la pression, et plus l'individualisme entre en jeu : « Je ne vois pas pourquoi j'irai aider un mec de ma boite à faire son chiffre, si je dois m'arracher à faire le mien ». Aujourd'hui les entreprises qui sont en situation de concurrence rude sont sous le feu de la rampe des marchés boursiers et sont obligées d'être en position de stress permanent.
Mobilité sociale ?
La précarité est entrée dans le milieu des preneurs de décision comme elle est entrée dans tous les autres. Les grandes entreprises sont soumises à des enjeux financiers impossibles qui les mettent en difficulté au moindre écart : prévisions / résultats. Les PME sont dépendantes de leurs résultats, et espèrent ne pas mettre la clef sous la porte au bout de 6 mois. Les cadres sont donc devenus les outils de cette lutte pour le solde positif. Et ils doivent dealer leur vie pour rester dans la grande course du maintien en première division. Cette instabilité dans son emploi se répercute sur la vie du cadre. Il goûte aux joies de la vie précaire, qui se manifeste par une angoisse permanente. Sylvie. D occupe un statut de responsable chez l'un des leaders de l'industrie pharmaceutique depuis plus de trente ans. Sa boite la rend folle depuis quelques années. « Les entreprises font de plus en plus appel à des coachs psychologiques, ils se rendent bien compte qu'ils nous font devenir fous ». Depuis 2 ans, les changements se sont multipliés, au point qu'elle ne sait même plus vraiment pourquoi (ni pour qui) elle travaille : « Je fais toujours mon boulot de commerciale, mais je ne sais même plus à qui cela profite, quels sont les enjeux… ». Son service a été racheté par une nouvelle firme, qui va sûrement être acquise, elle aussi, par des Coréens. « Il y a 20 ans, tu étais respecté en tant que cadre, et tu bénéficiais d'une garantie pour ton emploi. Aujourd'hui, c'est la merde : on est de plus en plus mis en concurrence, on peut être mutés à tous moments et on a perdu toute reconnaissance… ». Inutile d'ajouter que les 35 heures, elle ne sait toujours pas ce que ça veut dire…
La faute à qui ?
D'ou vient ce stress injecté aux cadres à coup de pression et d'objectifs irréalisables ? La réponse évidente de Monsieur Tout le monde semble être : "des patrons". Mais d'ou vient alors ce stress des patrons, et à qui profite ce système bancal ? Selon notre premier interlocuteur, "Les fonds de pension y sont pour quelque chose. Ils essayent par tous les moyens de valoriser les capitaux qu'on leur a donné à gérer dans un seul et unique but de rendement financier, pas de rendement général". Les big boss sont aussi soumis à de grosses pressions de la part de leurs big big boss, qui eux sont soumis aux lois du marché et aux milieux financiers. Autant dire que la boucle est bouclée.... Notre ex cadre dans l'industrie automobile continue : "Ce schéma auquel on doit s'adapter, c'est l'internationalisation qui l'a développé, toujours avec cette même logique : réduire les coûts. Dès qu'il y a un écart entre les prévisions et les réalisations, ça se traduit en bourse". Il pense aussi que les consommateurs ont leur part de responsabilité dans ce grand bordel économique : "Les consommateurs ne veulent plus payer la qualité d'un produit. La société du tout gratuit est en train d'atteindre ses limites, mais les gens n'en sont pas conscients. Les entreprises doivent toujours baisser leurs coûts de production, et elles se mettent toutes à délocaliser. Si elles ne maintiennent pas leur rythme de croisière, elles se voient directement sanctionnées par les marchés boursiers". 37% des cadres pensent à quitter leur travail à cause du stress : la situation semble être vraiment mal barrée. Personne ne lâche l'affaire, on veut tous avoir gratuitement la télé, le câble, XXL, le téléphone, l'Internet, la bouffe...Bientôt on voudra aussi les putes pour rien...et les cadres seront aussi stressés que les dealers.
Dorian Dumont le 5 janvier 2005
Jadis fer de lance du projet entreprenarial, le cadre tente aujourd'hui de sauver sa peau dans un système auquel lui-même ne comprend plus rien. Stressé, précarisé, désacralisé : le surhomme des années 90 est-il en train de devenir fou ?
Par Dorian Dumont le 5 janvier 2005
Il était une fois le cadre : un homme (ou une femme) brillant, qui était envié et respecté dans la société (dans la sienne aussi). Jusqu'à la fin des années 90, le cadre (ou responsable… On l'appellera aussi comme ça au cours de ce papier pour ne pas trop se répéter) gagne bien sa vie, il a même l'air heureux avec sa cravate, son attaché case et son air hyper actif. Il a pris la bonne habitude de régler sa salade et sa 33cl de San Pellegrino les yeux fermés (puisque note de frais). Il se paye le luxe d'avoir plein de cravates (parfois même des modèles Titi & Gros minet) et abuse des belles chemises colorées. Mais depuis quelques années, il devient un élément perdu, un instrument qui devient vite obsolète, et qui peut être remplacé en 5 minutes. Son sentiment d'insuffisance professionnelle le pousse parfois à bout, le mettant dans des états de stress hasardeux. Le cadre a donc aujourd'hui beaucoup de mal à savoir comment il est évalué. Il se sent parfois autonome, parfois prisonnier de sa direction qui lui impose des objectifs, un chiffre, des progrès, de la productivité, de la rentabilité…Et le responsable s'égare, tendu par ses obligations de résultats pour lesquels il se donne « à 120% ». Selon une étude menée par la fédération française de l'encadrement : seulement 53% d'entre eux pensent que leurs objectifs sont réalisables. S'il y a 20 ans encore, il était un individu étincelant au regard de la société, son image se dégrade en même temps que ses doutes s'amplifient. La sécurité, il l'a oubliée. « Le CDD, vous savez quand il se termine. Le CDI, vous ne savez pas quand il se termine, c'est la seule différence aujourd'hui. Les deux sont précaires » nous confie un ex cadre dans l'industrie automobile. Il pense que le stress des cadres est principalement généré par les directions qui les considèrent souvent comme des outils, et non comme potentiel humain. « On peut vous forcer, pousser, sans cesse placer la barre plus haute, mais tant que vous êtes stressé, vous n'optimiserez pas votre travail ». Plus on met la pression, et plus l'individualisme entre en jeu : « Je ne vois pas pourquoi j'irai aider un mec de ma boite à faire son chiffre, si je dois m'arracher à faire le mien ». Aujourd'hui les entreprises qui sont en situation de concurrence rude sont sous le feu de la rampe des marchés boursiers et sont obligées d'être en position de stress permanent.
Mobilité sociale ?
La précarité est entrée dans le milieu des preneurs de décision comme elle est entrée dans tous les autres. Les grandes entreprises sont soumises à des enjeux financiers impossibles qui les mettent en difficulté au moindre écart : prévisions / résultats. Les PME sont dépendantes de leurs résultats, et espèrent ne pas mettre la clef sous la porte au bout de 6 mois. Les cadres sont donc devenus les outils de cette lutte pour le solde positif. Et ils doivent dealer leur vie pour rester dans la grande course du maintien en première division. Cette instabilité dans son emploi se répercute sur la vie du cadre. Il goûte aux joies de la vie précaire, qui se manifeste par une angoisse permanente. Sylvie. D occupe un statut de responsable chez l'un des leaders de l'industrie pharmaceutique depuis plus de trente ans. Sa boite la rend folle depuis quelques années. « Les entreprises font de plus en plus appel à des coachs psychologiques, ils se rendent bien compte qu'ils nous font devenir fous ». Depuis 2 ans, les changements se sont multipliés, au point qu'elle ne sait même plus vraiment pourquoi (ni pour qui) elle travaille : « Je fais toujours mon boulot de commerciale, mais je ne sais même plus à qui cela profite, quels sont les enjeux… ». Son service a été racheté par une nouvelle firme, qui va sûrement être acquise, elle aussi, par des Coréens. « Il y a 20 ans, tu étais respecté en tant que cadre, et tu bénéficiais d'une garantie pour ton emploi. Aujourd'hui, c'est la merde : on est de plus en plus mis en concurrence, on peut être mutés à tous moments et on a perdu toute reconnaissance… ». Inutile d'ajouter que les 35 heures, elle ne sait toujours pas ce que ça veut dire…
La faute à qui ?
D'ou vient ce stress injecté aux cadres à coup de pression et d'objectifs irréalisables ? La réponse évidente de Monsieur Tout le monde semble être : "des patrons". Mais d'ou vient alors ce stress des patrons, et à qui profite ce système bancal ? Selon notre premier interlocuteur, "Les fonds de pension y sont pour quelque chose. Ils essayent par tous les moyens de valoriser les capitaux qu'on leur a donné à gérer dans un seul et unique but de rendement financier, pas de rendement général". Les big boss sont aussi soumis à de grosses pressions de la part de leurs big big boss, qui eux sont soumis aux lois du marché et aux milieux financiers. Autant dire que la boucle est bouclée.... Notre ex cadre dans l'industrie automobile continue : "Ce schéma auquel on doit s'adapter, c'est l'internationalisation qui l'a développé, toujours avec cette même logique : réduire les coûts. Dès qu'il y a un écart entre les prévisions et les réalisations, ça se traduit en bourse". Il pense aussi que les consommateurs ont leur part de responsabilité dans ce grand bordel économique : "Les consommateurs ne veulent plus payer la qualité d'un produit. La société du tout gratuit est en train d'atteindre ses limites, mais les gens n'en sont pas conscients. Les entreprises doivent toujours baisser leurs coûts de production, et elles se mettent toutes à délocaliser. Si elles ne maintiennent pas leur rythme de croisière, elles se voient directement sanctionnées par les marchés boursiers". 37% des cadres pensent à quitter leur travail à cause du stress : la situation semble être vraiment mal barrée. Personne ne lâche l'affaire, on veut tous avoir gratuitement la télé, le câble, XXL, le téléphone, l'Internet, la bouffe...Bientôt on voudra aussi les putes pour rien...et les cadres seront aussi stressés que les dealers.
Dorian Dumont le 5 janvier 2005
das_Yog- banni
- Nombre de messages : 938
Localisation : Tallinn, ex-URSS
Date d'inscription : 04/01/2005
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