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Entendez-vous dans nos banlieues mugir ces féroces barbares

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Message par marcoo Mar 17 Jan - 23:12

Une excellente analyse de nos camarades d'"alternative libertaire"

Deux mois après la flambée de violence dans “ les banlieues ”, il serait peut-être temps de faire le point sur la gestion par le pouvoir de la crise sociale et économique, et sur les réactions politiques. Au-delà des milliers d'interpellations, centaines de condamnations et/ou expulsions (1), comment peut-on analyser la politique répressive du pouvoir ? Ces émeutes semblent avoir servi de prétexte à un renforcement de la politique de gestion autoritaire de la crise, qui se dessine depuis longtemps. Encore une fois, l’immigration est désignée comme bouc émissaire dans une énième tentative d’occulter les véritables causes de la révolte. Encore une fois le “ choc des cultures ” est manipulé par les politiciens. Encore une fois nous assistons au beau débat “ République ” contre “ communautarisme ”. Mais n’y a-t-il pas aussi un jeu plus subtil du pouvoir qui vise à communautariser et ethniciser des populations exclues socialement, à renvoyer les prolétaires à une condition d’indigènes de la République ?

Cela fait un bon nombre d’années que la situation dans certaines banlieues est explosive : chômage élevé, bas salaires, précarité forment déjà le premier terreau d’une violence économique quotidienne. Il faut rajouter à cela un sentiment d’exclusion nourri par la ségrégation urbaine, l’échec scolaire et les discriminations (emploi, logement, sorties...). Cette discrimination sociale est renforcée par la discrimination raciale qui s’y superpose, dans des quartiers où une proportion importante de la population est d’origine immigrée. Remettez là-dessus une pression policière qui ne date pas d’aujourd’hui (la “ chasse aux jeunes ” et les interpellations au faciès étaient déjà dénoncées à la fin des années 70) mais qui s’est considérablement renforcée ces dernières années. La police a ici une conception assez particulière de sa mission de protection de la population : on sait bien dans ces quartiers que si on est en difficulté on peut attendre longtemps ; par contre, il y aura quelques jours plus tard des contrôles d’identité au hasard, un hasard qui touche particulièrement les jeunes bronzés du secteur. Les mêmes jeunes savent bien que s’ils sortent de leur quartier les contrôles “ au hasard ” dans les RER, gares et autres lieux publics tomberont sur eux. Rappelons aussi que le type de travail policier dans les quartiers a été modifié, les îlotiers recevant d’abord une mission d’investigation, puis étant carrément supprimés par Sarkozy au profit de la tristement célèbre BAC.
Finalement, la question est donc autant de savoir pourquoi il n’y a pas eu d’émeutes lors des précédentes bavures policières que de savoir pourquoi l’émeute s’est généralisée cette fois-ci.

L’apprenti sorcier

Tout cela n’est pas nouveau pour le lecteur de Courant alternatif, mais certainement pas non plus pour un ministre de l’Intérieur forcément tenu au courant par ses services de renseignements (généraux). Il s’est pourtant appliqué consciencieusement à allumer un incendie avec des propos sur le nettoyage au Kärcher et la racaille, d’abord à La Courneuve, sans réaction notable, puis une nouvelle couche à Argenteuil, toujours sans réaction importante... Ses déclarations ubuesques à chaud au moment de la “ bavure ” de Clichy-sous-Bois — des jeunes qui fuiraient devant une interpellation mais ne seraient pas poursuivis ! De toute façon ce serait des voyous ; les honnêtes gens ne s’enfuient pas devant la police — ont (enfin ?) réussi à mettre le feu aux poudres. Il faut dire que les jeunes en question étaient morts, et que leurs copains savaient qu'ils n'étaient pas de la “ racaille ”.

Certes, une première explication de cette attitude est simple : ce monsieur est pressé d’arriver au pouvoir, et il a calculé qu’un petit peu de “ violence ” renforcerait sa popularité. Mais n’y a-t-il pas aussi une volonté délibérée du pouvoir dans son ensemble — et donc pas seulement de Môssieur Sarkozy) de créer des clivages dans la société sur lesquels s’appuyer pour aller vers un pouvoir de plus en plus autoritaire ?

N’y a-t-il pas une volonté plus générale de profiter de l’événement pour mettre en place préventivement une législation répressive dans la perspective des privatisations, des licenciements... des conflits sociaux en général ? On peut d’ailleurs remarquer à ce sujet la mollesse de la réaction du PS, qui a quand même dans un premier temps approuvé l’instauration de l’état d’urgence.

Il est probable cependant que le pouvoir ne prévoyait pas une réaction aussi massive. Il n'a sans doute pas non plus prévu que cette révolte s'étendrait si rapidement, ni qu'une certaine sympathie apparaîtrait, dans au moins une partie de la population, envers les raisons de cette révolte. Les émeutiers étaient très jeunes, généralement français (Sarko soi-même n’a réussi à trouver que 130 étrangers sur les milliers d’interpellations), très souvent inconnus de la justice, voire souvent de la police. Rappelons que pour être “ connu des services de police ”, il suffit d’avoir été gardé à vue suffisamment longtemps pour “ passer au fichier ”. Suffisamment peu d’armes ont été saisies pour qu’une “ fabrique de cocktails Molotov ” fasse la une des journaux. Il ne s’agissait pas de la parade de quelques casseurs qui feraient habituellement régner la terreur dans les quartiers, mais d’une révolte massive, d’une révolte dont l’une des revendications importantes est l’intégration à la société française, entendue dans le sens de société de consommation, et la dénonciation d’un double discours du pouvoir qui leur dénie symboliquement la qualité de Français qu’ils sont pourtant réellement et administrativement. Sarkozy et tous les autres auraient pourtant bien aimé pouvoir les renvoyer à “ leurs ” mosquées, réduire les incidents à une agitation intégriste islamiste, ce qui aurait fait un joli paquet cadeau avec les suites du 11-Septembre. Enfin, toujours gênant pour le pouvoir, cette révolte a été suffisamment importante pour “ ternir ” l’image de la France à l’étranger.


Dernière édition par le Mar 17 Jan - 23:13, édité 1 fois
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Message par marcoo Mar 17 Jan - 23:12

Mais que fait donc la police ?

A part l’envoi, classique et normal, de toutes les sortes de flics (CRS, gendarmes mobiles, BAC, RG...), l’utilisation, habituelle aussi, de la justice expéditive (2), le pouvoir a réagi en ressortant immédiatement de derrière les fagots une loi coloniale qui n'était plus appliquée en France métropolitaine depuis la fin de la guerre d’Algérie : l’état d’urgence. Il est clair qu’il a fait un choix politique lourd de conséquences et de symboles. Il avait en effet quantité d’autres moyens d’instaurer des couvre-feux — certains maires n’ont d’ailleurs pas attendu l’état d’urgence pour instaurer le leur contre les mineurs, y compris le maire d’Orléans en 2001. Ce choix de l'état d'urgence n'est donc pas anodin et recouvre au moins deux objectifs :

Le premier est la volonté de revenir sur le passé colonial de la France. La résurrection de cette loi de 1956 est la signification cinglante que l’Etat français est aujourd’hui en guerre contre les jeunes issus de l’immigration comme il l'était contre les indépendantistes algériens il y a cinquante ans. L’ennemi est ainsi clairement désigné aux yeux des “ Français ” : le jeune prolo maghrébin. Après toutes les manipulations autour de la loi sur le voile, de la montée de l’antisémitisme dans les banlieues, des viols collectifs, du sexisme, de l’intégrisme et des barbus, du démantèlement de pseudo-réseaux terroristes... c’est encore une autre manière d’en rajouter une louche dans la “ racialisation ” des conflits sociaux. Cela correspond bien évidemment à une énième version du “ diviser pour mieux régner ”.

Le second objectif participe au renforcement de l'appareil policier et sécuritaire. La loi sur l’état d’urgence ne prévoit pas seulement les couvre-feux, elle légalise également les perquisitions à toute heure du jour et de la nuit, le contrôle de la presse et des spectacles, et permet l’instauration de tribunaux militaires. S’ils ont instauré l’état d’urgence, c’est donc qu’ils avaient derrière la tête l’intention de pouvoir utiliser tout ou partie de cet arsenal, et pas seulement les couvre-feux pour les mineurs. Bien sûr, cela apparaît un peu comme écraser une fourmi avec un marteau-pilon, mais cela permet d’habituer la population à des lois d’exception, comme Vigipirate qui était au départ exceptionnel et temporaire… Nous savons aujourd'hui ce qu'il est advenu de cette mesure liberticide “ passagère ”.

La situation est redevenue “ normale ”, c’est-à-dire aussi explosive qu’auparavant, les mêmes ingrédients étant toujours réunis pour que cela pète de plus belle ; mais l’état d’urgence, lui, semble promis au même bel avenir que Vigipirate. Est-ce seulement à cause de l’absence quasi totale de réaction politique de la gauche et du monde associatif et syndical ? Est-ce parce qu’ils savent que l’incendie peut se rallumer à tout moment ? Est-ce parce que “ tant qu’à faire autant en profiter ” ? En tout cas, la loi n’a pas été prolongée pour des raisons pratiques : il n'y a eu aucun couvre-feu dans le 93, point de départ des émeutes — sauf au Raincy, dont le député-maire est le tristement célèbre Raoult, et qui correspond au Neuilly-sur-Seine du département. Mieux, la majorité des députés et maires du département, de droite ou de gauche, ont expliqué dans une touchante unanimité que cette mesure risquait de remettre le feu aux poudres, et qu’ils n’avaient pas vraiment besoin de ça.

Un remède pour les banlieues : la saignée...

Après avoir annoncé une aide massive pour les banlieues, on a appris que quelques associations de quartier allaient récupérer une partie seulement des subventions qu’on leur avait supprimées. Pour le reste, ce n’est pas à l’heure où l’Etat dégraisse qu’on va remettre des services publics dans les quartiers déshérités ; ce n’est pas à l’heure où on trouve judicieux de faire peur aux couches aisées qu’on va leur mettre du logement social à côté, il ne faudrait quand même pas exagérer... Aucune inflexion n’est prévue dans la politique “ sociale ” du gouvernement, mais au contraire une accélération.

Prenons l’exemple de l’Education nationale. Il avait été proposé peu de temps auparavant d’éventuellement supprimer les ZEP. Qu’est-ce qui a été annoncé ? On allait sélectionner les établissements les plus en difficulté pour concentrer l’aide sur eux. Mais comme il n’est pas question d’augmenter les moyens, ce sera au détriment du reste des établissements encore en ZEP. L’aide sociale vue du gouvernement consiste à prendre aux plus démunis pour redistribuer aux plus démunis des démunis. Il s’agit d’une politique extrêmement motivante pour les enseignants et le personnel concernés : on retire les aides aux ZEP qui ont vu leurs résultats s’améliorer, donc là où des équipes ont su utiliser avec succès les moyens alloués, pour les donner là où ça n’a servi à rien... La seconde mesure annoncée pour l’Education nationale est tout à fait révélatrice de l’idéologie ambiante. Ils vont désormais sélectionner les meilleurs élèves des quartiers défavorisés pour les inscrire dans les bons lycées des centres-villes. Beau message à destination de la jeunesse : réussir, c’est quitter les quartiers populaires. A part ça, il leur est demandé des’intégrer... Deuxième aspect du message : ceux qui restent dans ces quartiers, c’est leur faute, c’est parce qu’ils sont mauvais. Accessoirement, personne ne se demande ce que deviendront les autres lycéens quand les seuls exemples de réussite scolaire, donc la preuve que c’est possible, auront disparu de leur paysage visuel.

Mais c’est le fond de ce message qui reste le plus important. Le message quotidiennement répété, c’est que notre société est une société de compétition, et malheur aux perdants. Et ce message a bien sûr d’autant plus de force que les références de classe, du moins conscientes, ont quasiment disparu. Justement, cette révolte est entre autres une révolte des perdants qui voudraient quand même avoir une place à l’arrivée après avoir participé. La seule réponse du pouvoir, c’est qu’on ne peut pas être ouvrier, appartenir aux couches populaires, et réussir sa vie. Etre d’un milieu populaire, c’est être un raté ; réussir, s’épanouir, c’est quitter son milieu social. On ne peut pas annoncer plus clairement à ces jeunes qu’un des moteurs de cette société, c’est leur exclusion.

Quel que soit le thème qu’on prenne, logement, emploi, qualifications, culture... c’est ce même message qui est martelé, accompagné de l’inévitable discours sur les moyens limités, sur une aide sans dépenser un centime de plus, le tout dans le contexte du contrat nouvelle embauche et des perspectives de licenciement qui continuent.

Cela ne peut pas marcher sans trouver de coupables, de préférence dans les milieux populaires ou parmi ceux qui bougent. Et le coupable de la révolte et de la misère a été trouvé : ce sont les familles qui ne savent pas éduquer leurs enfants. Le tout dans un contexte plus général de discours en appelant à un “ retour à l’autorité ”, allant dans sa version caricaturale jusqu’à un projet de loi pour interdire la méthode globale d'apprentissage de la lecture (qui n'est par ailleurs plus pratiquée). Ce même discours de retour à l’autorité dénigre les modes éducatifs des milieux populaires, sapant ainsi l’autorité de ces parents alors qu’il prétend la restaurer. Quelle autorité reste-t-il à un SMICard ou un chômeur dans une société qui le désigne comme perdant, et coupable de l’être ?

Les annonces d’aide massive aux quartiers défavorisés se résument donc pour l’essentiel à deux vieilles recettes : le discours culpabilisateur et moralisateur de l’autorité, et la désignation de boucs émissaires.

Retour à une méthode qui a fait ses preuves : le bouc émissaire

Pour dénoncer l'origine des troubles, les politiciens ont sorti le grand jeu. N'ayant pas peur du ridicule, à peu près tout y est passé pour désigner l'ennemi intérieur : islamistes téléguidés de l'étranger, nébuleuse terroriste, grand banditisme, enfants de polygame, etc. Parmi toutes ces cibles, il en est une que les dirigeants français affectionnent tout particulièrement depuis des lustres, c'est la catégorie de l'Etranger. Parmi les 4 700 interpellations réalisées, Sarkozy a, on l’a dit, réussi à dénicher 130 jeunes étrangers “ en situation pas toujours régulière ”, ce qui tout compte fait est largement inférieur à la moyenne dans la population nationale. Cela ne l'a pas empêché d'user jusqu'à la corde le bon vieux thème des étrangers fauteurs de troubles, allant jusqu'à réclamer le contournement des maigres protections existantes contre la double peine qu'il avait lui-même adoptées. Ces gesticulations sur les expulsions de jeunes émeutiers étrangers n'ont pas été suivies de beaucoup d'effet, puisqu'au moment où nous écrivons ces lignes aucune procédure de renvoi n'a heureusement pu être menée à son terme. Mais peu importe, puisque cela a permis d'assener encore une fois “ jeune de banlieue ” = “ étranger ”. Le sinistre de l'Intérieur ne s'est d'ailleurs pas privé d'arguments piqués à l'extrême droite en déclarant qu'il est “ plus difficile d'intégrer un jeune Français originaire d'Afrique noire qu'un jeune Français d'une autre origine ” (3). Tout est dit : ces jeunes ne sont français que sur le papier, mais gare à eux, cela pourrait ne pas durer…

Ces émeutes ont permis de réactiver un énième projet de loi sur l'immigration en lui donnant une publicité idéale. Le Parlement discutera au printemps prochain d'un texte censé resserrer les boulons de l'immigration pour la ixième fois, comme si la loi précédente datant de seulement deux ans et écrite par un certain Nicolas Sarkozy était encore trop laxiste. De nouveau, les analyses et les chiffres les plus fantaisistes sont livrés à la presse qui les reprend sans aucune distance critique ; et ils permettront, entre autres, de justifier le durcissement des conditions d'acquisition de la nationalité française et du regroupement familial. Puisqu'elles ne sont basées sur aucune réalité sérieuse concernant l'immigration, ces mesures n'auront pas plus d'efficacité que les précédentes sur la “ crise ” des banlieues, si ce n'est de créer de nouveaux-sans papiers, et donc de fragiliser et précariser un peu plus certaines personnes. En revanche, elles renforcent la vieille logique de partition de la société entre Français et étrangers, moteur indispensable de la division des classes sociales. Elles participent ainsi à la tendance très forte en ce moment qui vise à analyser les conflits sociaux, ou même à en inventer quand ils n'existent pas (comme ce fut le cas lors du débat sur le voile islamique), sous un angle uniquement religieux (musulman bien sûr !), “ racial ” ou communautaire, en gommant totalement les conditions économiques et sociales. Ce n'est pas un hasard si le fantasme du jeune-étranger-musulman-délinquant est exacerbé aujourd'hui par la classe politique — et même toute la classe politique, la gauche n'étant pas forcément en reste sur ce plan — pour effrayer la population et la détourner de ses préoccupations. Pendant ce temps, le gouvernement peut tranquillement déréglementer les conditions de travail, démanteler les services publics, vendre les entreprises nationales rentables aux copains, baisser les impôts des riches. Mentir, manipuler, et détourner l'attention sur des ennemis imaginaires sont les clés de voûte, depuis l'Empire romain, de tout système de gouvernement qui ne privilégie les intérêts que des classes sociales dominantes.

Sylvie, Tonio Paris-Romainville, le 30 décembre 2005
(1) Au cours de la période des émeutes, soit jusqu'à fin novembre, 4 700 interpellations ont été effectuées, 411 condamnations à de la prison ferme prononcées par les tribunaux. 511 mineurs ont été déférés devant le procureur, et 655 personnes ont été écrouées dont une partie en détention provisoire et attendant encore d'être jugée.
(2) Pendant plusieurs jours au moment des émeutes, le tribunal correctionnel de Bobigny a fait fonctionner ses audiences en “ comparution immédiate ” quasiment 24 heures sur 24 simultanément dans trois salles !
(3) Les jeunes responsables des violences urbaines “ sont tout à fait français juridiquement ”, “ mais disons les choses comme elles sont : la polygamie et l'acculturation d'un certain nombre de familles font qu'il est plus difficile d'intégrer un jeune Français originaire d'Afrique noire qu'un jeune Français d'une autre origine ”, L'Express
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Message par Mayrik Mar 7 Mar - 2:09

Quelques textes qui devraient vous plaire...

Chanson

Courtisans ! attablés dans la splendide orgie,
La bouche par le rire et la soif élargie,
Vous célébrez César très-bon, très-grand, très-pur ;
Vous buvez, apostats à tout ce qu'on révère,
Le chypre à pleine coupe et la honte à plein verre...
Mangez, moi je préfère,
Vérité, ton pain dur.

Boursier qui tonds le peuple, usurier qui le triches,
Gais soupeurs de Chevet, ventrus, coquins et riches,
Amis de Fould le juif et de Maupas le Grec,
Laissez le pauvre en pleurs sous la porte cochère ;
Engraissez-vous, vivez, et faites bonne chère...
Mangez, moi je préfère,
Probité, ton pain sec.

L'opprobre est une lèpre et le crime une dartre.
Soldats qui revenez du boulevard Montmartre,
Le vin, au sang mêlé, jaillit sur vos habits ;
Chantez ! la table emplit l'école militaire,
Le festin fume, on trinque, on boit, on roule à terre...
Mangez, moi je préfère,
Ô gloire, ton pain bis.

Ô peuple des faubourgs, je vous ai vu sublime,
Aujourd'hui vous avez, serf grisé par le crime,
Plus d'argent dans la poche, au cœur moins de fierté.
On va, chaîne au cou, rire et boire à la barrière,
Et vive l'empereur ! et vive le salaire ! ...
Mangez, moi je préfère,
Ton pain noir, liberté !

Jersey, décembre 1852
Victor Hugo
A propos de la loi Faider

Ce qu'on appelle Charte ou Constitution
C'est un antre qu'un peuple en révolution
Creuse dans le granit, abri sûr et fidèle.
Joyeux, le peuple enferme en cette citadelle
Ses conquêtes, ses droits, payés de tant d'efforts,
Ses progrès, son honneur ; pour garder ces trésors,
Il installe en la haute et superbe tanière
La fauve liberté, secouant sa crinière.
L'œuvre faite, il s'apaise, il reprend ses travaux ;
Il retourne à son champ, fier de ses droits nouveaux,
Et tranquille, il s'endort sur des dates célèbres,
Sans songer aux larrons rôdant dans les ténèbres.
Un beau matin, le peuple en s'éveillant va voir
Sa constitution, temple de son pouvoir ;
Hélas ! de l'antre auguste on a fait une niche.
Il y mit un lion, il y trouve un caniche.

Jersey, décembre 1852
Victor Hugo
Ô drapeau de Wagram

Ô drapeau de Wagram ! ô pays de Voltaire !
Puissance, liberté, vieil honneur militaire,
Principes, droits, pensée, ils font en ce moment
De toute cette gloire un vaste abaissement.
Toute leur confiance est dans leur petitesse.
Ils disent, se sentant d'une chétive espèce :
- Bah ! nous ne pesons rien ! régnons. - Les nobles cœurs !
Ils ne savent donc pas, ces pauvres nains vainqueurs,
Sautés sur le pavois du fond d'une caverne,
Que lorsque c'est un peuple illustre qu'on gouverne,
Un peuple en qui l'honneur résonne et retentit,
On est d'autant plus lourd que l'on est plus petit !
Est-ce qu'ils vont changer, est-ce là notre compte ?
Ce pays de lumière en un pays de honte ?
Il est dur de penser, c'est un souci profond,
Qu'ils froissent dans les cœurs, sans savoir ce qu'ils font,
Les instincts les plus fiers et les plus vénérables.
Ah ! ces hommes maudits, ces hommes misérables
Eveilleront enfin quelque rébellion
A force de courber la tête du lion !
La bête est étendue à terre, et fatiguée ;
Elle sommeille au fond de l'ombre reléguée ;
Le mufle fauve et roux ne bouge pas, d'accord ;
C'est vrai, la patte énorme et monstrueuse dort ;
Mais on l'excite assez pour que la griffe sorte.
J'estime qu'ils ont tort de jouer de la sorte.

Jersey, juin 1853
Victor Hugo
A ceux qui dorment

Réveillez-vous, assez de honte !
Bravez boulets et biscayens.
Il est temps qu'enfin le flot monte,
Assez de honte, citoyens !
Troussez les manches de la blouse ;
Les hommes de quatre-vingt-douze
Affrontaient vingt rois combattants.
Brisez vos fers, forcez vos geôles !
Quoi ! vous avez peur de ces drôles
Vos pères bravaient les Titans !

Levez-vous ! foudroyez et la horde et le maître !
Vous avez Dieu pour vous et contre vous le prêtre ;
Dieu seul est souverain.
Devant lui nul n'est fort et tous sont périssables.
Il chasse comme un chien le grand tigre des sables
Et le dragon marin ;
Rien qu'en soufflant dessus, comme un oiseau d'un arbre,
Il peut faire envoler de leur temple de marbre
Les idoles d'airain.

Vous n'êtes pas armés ? qu'importe !
Prends ta fourche, prends ton marteau !
Arrache le gond de ta porte,
Emplis de pierres ton manteau !
Et poussez le cri d'espérance !
Redevenez la grande France !
Redevenez le grand Paris !
Délivrez, frémissant de rage,
Votre pays de l'esclavage,
Votre mémoire du mépris !

Quoi ! faut-il vous citer les royalistes même ?
On était grand aux jours de la lutte suprême !
Alors, que voyait-on ?
La bravoure, ajoutant à l'homme une coudée,
Etait dans les deux camps. N'est-il pas vrai, Vendée,
Ô dur pays breton ?
Pour vaincre un bastion, pour rompre une muraille,
Pour prendre cent canons vomissant la mitraille,
Il suffit d'un bâton !

Si dans ce cloaque on demeure,
Si cela dure encore un jour,
Si cela dure encore une heure,
Je brise clairon et tambour.
Je flétris ces pusillanimes ;
Ô vieux peuple des jours sublimes,
Géants à qui nous les mêlions,
Je les laisse trembler leurs fièvres,
Et je déclare que ces lièvres
Ne sont pas vos fils, ô lions !

Jersey, septembre 1853
Victor Hugo
Aux femmes

Quand tout se fait petit, femmes, vous restez grandes.
En vain, aux murs sanglants accrochant des guirlandes,
Ils ont ouvert le bal et la danse ; ô nos sœurs,
Devant ces scélérats transformés en valseurs,
Vous haussez, - châtiment ! - vos charmantes épaules.
Votre divin sourire extermine ces drôles.
En vain leur frac brodé scintille, en vain, brigands,
Pour vous plaire ils ont mis à leurs griffes des gants,
Et de leur vil tricorne ils ont doré les ganses,
Vous bafouez ces gants, ces fracs, ces élégances,
Cet empire tout neuf et déjà vermoulu.
Dieu vous a tout donné, femmes ; il a voulu
Que les seuls alcyons tinssent tête à l'orage,
Et qu'étant la beauté, vous fussiez le courage.

Les femmes ici-bas et là-haut les aïeux.
Voilà ce qui nous reste !

Abjection ! nos yeux
Plongent dans une nuit toujours plus épaissie.
Oui, le peuple français, oui, le peuple messie,
Oui, ce grand forgeron du droit universel
Dont, depuis soixante ans, l'enclume sous le ciel
Luit et sonne, dont l'âtre incessamment pétille,
Qui fit voler au vent les tours de la Bastille,
Qui broya, se dressant tout à coup Souverain,
Mille ans de royauté sous son talon d'airain,
Ce peuple dont le souffle, ainsi que des fumées
Faisait tourbillonner les rois et les armées,
Qui, lorsqu'il se fâchait, brisait sous son bâton
Le géant Robespierre et le titan Danton,
Oui, ce peuple invincible, oui, ce peuple superbe
Tremble aujourd'hui, pâlit, frissonne comme l'herbe,
Claque des dents, se cache et n'ose dire un mot
Devant Magnan, ce reître, et Troplong, ce grimaud !
Oui, nous voyons cela ! nous tenant dans leurs serres,
Mangeant les millions en face des misères,
Les Fortoul, les Rouher, êtres stupéfiants,
S'étalent ; on se tait. Nos maîtres ruffians
A Cayenne, en un bagne, abîme d'agonie,
Accouplent l'héroïsme avec l'ignominie ;
On se tait. Les pontons râlent ; que dit-on ? rien.
Des enfants sont forçats en Afrique : c'est bien.
Si vous pleurez, tenez votre larme secrète.
Le bourreau, noir faucheur, debout dans sa charrette,
Revient de la moisson avec son panier plein ;
Pas un souffle. Il est là, ce Tibère-Ezzelin
Qui se croit scorpion et n'est que scolopendre,
Fusillant, et jaloux de Haynau qui peut pendre ;
Éclaboussé de sang, le prêtre l'applaudit ;
Il est là ce César chauve-souris qui dit
Aux rois : voyez mon sceptre ; aux gueux : voyez mon crime ;
Ce vainqueur qui, béni, lavé, sacré, sublime,
De deux pourpres vêtu, dans l'histoire s'assied,
Le globe dans sa main, un boulet à son pied ;
Il nous crache au visage, il règne ! nul ne bouge.

Et c'est à votre front qu'on voit monter le rouge,
C'est vous qui vous levez et qui vous indignez,
Femme, le sein gonflé, les yeux de pleurs baignés,
Vous huez le tyran, vous consolez les tombes,
Et le vautour frémit sous le bec des colombes !

Et moi. proscrit pensif, je vous dis : Gloire à vous !
Oh oui, vous êtes bien le sexe fier et doux,
Ardent au dévouement, ardent à la souffrance,
Toujours prêt à la lutte, à Béthulie, en France,
Dont l'âme à la hauteur des héros s'élargit,
D'où se lève Judith, d'où Charlotte surgit !
Vous mêlez la bravoure à la mélancolie.
Vous êtes Porcia, vous êtes Cornélie,
Vous êtes Arria qui saigne et qui sourit ;
Oui, vous avez toujours en vous ce même esprit
Qui relève et soutient les nations tombées,
Qui suscite la Juive et les sept Macchabées.
Qui dans toi, Jeanne d'Arc, fait revivre Amadis ;
Et qui, sur le chemin des tyrans interdits
Pour les épouvanter dans leur gloire éphémère,
Met tantôt une vierge et tantôt une mère !

Si bien que par moments, lorsqu'en nos visions
Nous voyons, secouant un glaive de rayons,
Dans les cieux apparaître une figure ailée,
Saint Michel sous ses pieds foulant l'hydre écaillée,
Nous disons : c'est la Gloire et c'est la Liberté !
Et nous croyons, devant sa grâce et sa beauté,
Quand nous cherchons le nom dont il faut qu'on le nomme,
Que l'archange est plutôt une femme qu'un homme !

Jersey, mai 1853
Victor Hugo
Au peuple

Il te ressemble ; il est terrible et pacifique.
Il est sous l'infini le niveau magnifique ;
Il a le mouvement, il a l'immensité.
Apaisé d'un rayon et d'un souffle agité,
Tantôt c'est l'harmonie et tantôt le cri rauque.
Les monstres sont à l'aise en sa profondeur glauque ;
La trombe y germe ; il a des gouffres inconnus
D'où ceux qui l'ont bravé ne sont pas revenus ;
Sur son énormité le colosse chavire ;
Comme toi le despote, il brise le navire ;
Le fanal est sur lui comme l'esprit sur toi ;
Il foudroie, il caresse, et Dieu seul sait pourquoi ;
Sa vague, où l'on entend comme des chocs d'armures,
Emplit la sombre nuit de monstrueux murmures,
Et l'on sent que ce flot, comme toi, gouffre humain,
Ayant rugi ce soir, dévorera demain.
Son onde est une lame aussi bien que le glaive ;
Il chante un hymne immense à Vénus qui se lève ;
Sa rondeur formidable, azur universel,
Accepte en son miroir tous les astres du ciel ;
Il a la force rude et la grâce superbe ;
Il déracine un roc, il épargne un brin d'herbe ;
Il jette comme toi l'écume aux fiers sommets,
O Peuple ; seulement, lui, ne trompe jamais
Quand, l'œil fixe, et debout sur sa grève sacrée,
Et pensif, on attend l'heure de sa marée.

Au bord de l'Océan, juillet 1853
Victor Hugo
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Entendez-vous dans nos banlieues mugir ces féroces barbares Empty Re: Entendez-vous dans nos banlieues mugir ces féroces barbares

Message par Mayrik Mar 7 Mar - 2:09

Le parti du crime

"Amis et Frères ! en présence de ce gouvernement infâme, négation de toute morale, obstacle à tout progrès social, en présence de ce gouvernement meurtrier du peuple et violateur des lois, de ce gouvernement né de la force, et qui doit périr par la force, de ce gouvernement élevé par le crime et qui doit être terrassé par le droit, le Français digne du nom de citoyen ne sait pas, ne veut pas savoir s'il y a quelque part des semblants de scrutin, des comédies de suffrage universel et des parodies d'appel à la nation ; il ne s'informe pas s'il y a des hommes qui votent et des hommes qui font voter, s'il y a un troupeau qu'on appelle le Sénat et qui délibère et un autre troupeau qu'on appelle le peuple et qui obéit ; il ne s'informe pas si le pape va sacrer au maître-autel de Notre-Dame l'homme qui - n'en doutez pas, ceci est l'avenir inévitable - sera ferré au poteau par le bourreau ; - en présence de M. Bonaparte et de son gouvernement, le citoyen, digne de ce nom, ne fait qu'une chose et n'a qu'une chose à faire : charger son fusil et attendre l'heure."

Jersey, 31 octobre 1852.
Victor Hugo

……………………………………………………………

Ainsi ce gouvernant dont l'ongle est une griffe
Ce masque impérial, Bonaparte apocryphe,
A coup sûr Beauharnais, peut-être Verhuell,
Qui, pour la mettre en croix, livra, sbire cruel,
Rome républicaine à Rome catholique,
Cet homme, l'assassin de la chose publique,
Ce parvenu, choisi par le destin sans yeux,
Ainsi, lui, ce glouton singeant l'ambitieux,
Cette altesse quelconque habile aux catastrophes,
Ce loup sur qui je lâche une meute de strophes,
Ainsi ce boucanier, ainsi ce chourineur
A fait d'un jour d'orgueil un jour de déshonneur,
Mis sur la gloire un crime et souillé la victoire ;
Il a volé, l'infâme, Austerlitz à l'histoire ;
Brigand, dans ce trophée il a pris un poignard ;
Il a broyé bourgeois, ouvrier, campagnard ;
Il a fait de corps morts une horrible étagère
Derrière les barreaux de la cité Bergère ;
Il s'est, le sabre en main, rué sur son serment ;
Il a tué les lois et le gouvernement,
La justice, l'honneur, tout, jusqu'à l'espérance ;
Il a rougi de sang, de ton sang pur, ô France,
Tous nos fleuves, depuis la Seine jusqu'au Var ;
Il a conquis le Louvre en méritant Clamar ;
Et maintenant il règne, appuyant, ô patrie,
Son vil talon fangeux sur ta bouche meurtrie ;
Voilà ce qu'il a fait ; je n'exagère rien ;
Et quand, nous indignant de ce galérien
Et de tous les escrocs de cette dictature,
Croyant rêver devant cette affreuse aventure,
Nous disons, de dégoût et d'horreur soulevés :
- Citoyens, marchons ! Peuple, aux armes, aux pavés !
A bas ce sabre abject qui n'est pas même un glaive !
Que le jour apparaisse et que le droit se lève !
C'est nous, proscrits frappés par ces coquins hardis,
Nous, les assassinés, qui sommes les bandits !
Nous qui voulons le meurtre et les guerres civiles !
Nous qui mettons la torche aux quatre coins des villes !

Donc trôner par la mort, fouler aux pieds le droit ;
Etre fourbe, impudent, cynique, atroce, adroit ;
Dire : je suis César, et n'être qu'un maroufle ;
Etouffer la pensée et la vie et le souffle ;
Forcer quatre-vingt-neuf qui marche à reculer ;
Supprimer lois, tribune et presse ; museler
La grande nation comme une bête fauve ;
Régner par la caserne et du fond d'une alcôve ;
Restaurer les abus au profit des félons ;
Livrer ce pauvre peuple aux voraces Troplongs,
Sous prétexte qu'il fut, loin des temps où nous sommes,
Dévoré par les rois et par les gentilshommes ;
Faire manger aux chiens ce reste des lions ;
Prendre gaiement pour soi palais et millions,
S'afficher tout crûment satrape, et, sans sourdines,
Mener joyeuse vie avec des gourgandines ;
Torturer des héros dans le bagne exécré ;
Bannir quiconque est ferme et fer ; vivre entouré
De grecs, comme à Byzance autrefois le despote ;
Etre le bras qui tue et la main qui tripote ;
Ceci, c'est la justice, ô peuple, et la vertu !
Et confesser le droit par le meurtre abattu ;
Dans l'exil, à travers l'encens et les fumées.
Dire en face aux tyrans, dire en face aux armées :
- Violence, injustice et force sont vos noms ;
Vous êtes les soldats, vous êtes les canons ;
La terre est sous vos pieds comme votre royaume ;
Vous êtes le colosse et nous sommes l'atome ;
Eh bien ! guerre ! et luttons, c'est notre volonté.
Vous, pour l'oppression, nous, pour la liberté !
Montrer les noirs pontons, montrer les catacombes.
Et s'écrier, debout sur la pierre des tombes :
- Français ! craignez d'avoir un jour pour repentirs
Les pleurs des innocents et les os des martyrs !
Brise l'homme-sépulcre, ô France ! ressuscite !
Arrache de ton flanc ce Néron parasite !
Sors de terre sanglante et belle, et dresse-toi
Dans une main le glaive et dans l'autre la loi !
Jeter ce cri du fond de son âme proscrite,
Attaquer le forban, démasquer l'hypocrite.
Parce que l'honneur parle et parce qu'il le faut,
C'est le crime, cela ! - Tu l'entends, toi, là-haut !
Oui, voilà ce qu'on dit, mon Dieu, devant ta face !
Témoin toujours présent qu'aucune ombre n'efface,
Voilà ce qu'on étale à tes yeux éternels !

Quoi ! le sang fume aux mains de tous ces criminels !
Quoi ! les morts, vierge, enfant, vieillards et femmes grosses,
Ont à peine eu le temps de pourrir dans leurs fosses !
Quoi ! Paris saigne encor ! quoi, devant tous les yeux,
Son faux serment est là qui plane dans les cieux !
Et voilà comme parle un tas d'êtres immondes !
O noirs bouillonnements des colères profondes !

Et maint vivant, gavé, triomphant et vermeil,
Reprend : - ce bruit qu'on fait dérange mon sommeil.
Tout va bien. Les marchands triplent leurs clientèles,
Et nos femmes ne sont que fleurs et que dentelles !
- De quoi donc se plaint-on ? crie un autre quidam,
En flânant sur l'asphalte et sur le macadam,
Je gagne tous les jours trois cents francs à la Bourse.
L'argent coule aujourd'hui comme l'eau d'une source ;
Les ouvriers maçons ont trois livres dix sous,
C'est superbe ; Paris est sens dessus dessous.
Il paraît qu'on a mis dehors les démagogues.
Tant mieux. Moi j 'applaudis les bals et les églogues
Du prince qu'autrefois à tort je reniais.
Que m'importe qu'on ait chassé quelques niais ?
Quant aux morts, ils sont morts ! paix à ces imbéciles !
Vivent les gens d'esprit ! vivent ces temps faciles
Où l'on peut à son choix prendre pour nourricier
Le crédit mobilier ou le crédit foncier !
La république rouge aboie en ses cavernes,
C'est affreux ! liberté, droits, progrès, balivernes !
Hier encor j'empochais une prime d'un franc ;
Et moi, je sens fort peu, j 'en conviens, je suis franc,
Les déclamations m'étant indifférentes,
La baisse de l'honneur dans la hausse des rentes.

Ô langage hideux ! on le tient ! on l'entend !
Eh bien, sachez-le donc, repus au cœur content,
Que nous vous le disions bien une fois pour toutes,
Oui, nous, les vagabonds dispersés sur les routes,
Errant sans passeport, sans nom et sans foyer,
Nous autres, les proscrits qu'on ne fait pas ployer,
Nous qui n'acceptons point qu'un peuple s'abrutisse,
Qui d'ailleurs, ne voulons, tout en voulant justice,
D'aucune représaille et d'aucun échafaud,
Nous, dis-je, les vaincus sur qui Mandrin prévaut,
Pour que la liberté revive, et que la honte
Meure, et qu'à tous les fronts l'honneur serein remonte,
Pour affranchir Romains, Lombards, Germains, Hongrois,
Pour faire rayonner, soleil de tous les droits,
La République mère au centre de l'Europe,
Pour réconcilier le palais et l'échoppe,
Pour faire refleurir la fleur Fraternité,
Pour fonder du travail le droit incontesté ;
Pour tirer les martyrs de ces bagnes infâmes,
Pour rendre aux fils le père et les maris aux femmes,
Pour qu'enfin ce grand siècle et cette nation
Sortent du Bonaparte et de l'abjection,
Pour atteindre à ce but où notre âme s'élance,
Nous nous ceignons les reins dans l'ombre et le silence ;
Nous nous déclarons prêts - prêts, entendez-vous bien ?
Le sacrifice est tout, la souffrance n'est rien,
Prêts, quand Dieu fera signe, à donner notre vie ;
Car, à voir ce qui vit, la mort nous fait envie,
Car nous sommes tous mal sous ce drôle effronté
Vivant, nous sans patrie, et vous sans liberté !

Oui, sachez-le, vous tous que l'air libre importune
Et qui dans ce fumier plantez votre fortune,
Nous ne laisserons pas le peuple s'assoupir ;
Oui, nous appellerons, jusqu'au dernier soupir,
Au secours de la France aux fers et presque éteinte,
Comme nos grands aïeux, l'insurrection sainte ;
Nous convierons Dieu-même à foudroyer ceci ;
Et c'est notre pensée et nous sommes ainsi,
Aimant mieux, dût le sort nous broyer sous sa roue,
Voir couler notre sang que croupir votre boue.

Jersey, novembre 1852
Victor Hugo
Applaudissement

Ô grande nation, vous avez à cette heure,
Tandis qu'en bas dans l'ombre on souffre, on râle, on pleure,
Un empire qui fait sonner ses étriers,
Les éblouissements des panaches guerriers,
Une cour où pourrait trôner le roi de Thune,
Une Bourse où l'on peut faire en huit jours fortune,
Des rosières jetant aux soldats leurs bouquets ;
Vous avez des abbés, des juges, des laquais,
Dansant sur des sacs d'or une danse macabre,
La banque à deux genoux qui harangue le sabre,
Des boulets qu'on empile au fond des arsenaux,
Un Sénat, les sermons remplaçant les journaux,
Des maréchaux dorés sur toutes les coutures,
Un Paris qu'on refait tout à neuf, des voitures
A huit chevaux, entrant dans le Louvre à grand bruit,
Des fêtes tout le jour, des bals toute la nuit,
Des lampions, des jeux, des spectacles ; en somme,
Tu t'es prostituée à ce misérable homme !

Tout ce que tu conquis est tombé de tes mains ;
On dit les vieux Français comme les vieux Romains,
Et leur nom fait songer leurs fils rouges de honte ;
Le monde aimait ta gloire et t'en demande compte,
Car il se réveillait au bruit de ton clairon.
Tu contemples d'un œil abruti ton Néron
Qu'entourent les Romieux déguisés en Sénèques,
Tu te complais à voir brailler ce tas d'évêque
Qui, sous la croix où pend le Dieu de Bethléem,
Entonnent leur Salvum fac imperatorem.
(Au fait, faquin devait se trouver dans la phrase.)
Ton âme est comme un chien sous le pied qui l'écrase ;
Ton fier quatre-vingt-neuf reçoit des coups de fouet
D'un gueux qu'hier encor l'Europe bafouait ;
Tes propres souvenirs, folle, tu les lapides.
La Marseillaise est morte à tes lèvres stupides.
Ton Champ-de-Mars subit ces vainqueurs répugnants,
Ces Maupas, ces Fortouls, ces Bertrands, ces Magnans,
Tous ces tueurs portant le tricorne en équerre,
Et Korte, et Carrelet, et Canrobert Macaire.
Tu n'es plus rien ; c'est dit, c'est fait, c'est établi.
Tu ne sais même plus, dans ce lugubre oubli,
Quelle est la nation qui brisa la Bastille.
On te voit le dimanche aller à la Courtille,
Riant, sautant, buvant, sans un instinct moral,
Comme une drôlesse ivre au bras d'un caporal
Des soufflets qu'il te donne on ne sait plus le nombre.
Et, tout en revenant sur ce boulevard sombre
Où le meurtre a rempli tant de noirs corbillards,
Où bourgeois et passants, femmes, enfants, vieillards,
Tombèrent effarés d'une attaque soudaine,
Tu chantes Turlurette et la Faridondaine !

C'est bien, descends encore et je m'en réjouis,
Car ceci nous promet des retours inouïs,
Car, France, c'est ta loi de ressaisir l'espace,
Car tu seras bien grande ayant été si basse !
L'avenir a besoin d'un gigantesque effort.
Va, traîne l'affreux char d'un satrape ivre mort,
Toi, qui de la victoire as conduit les quadriges.
J'applaudis. Te voilà condamnée aux prodiges.
Le monde, au jour marqué, te verra brusquement
Egaler la revanche à l'avilissement,
Ô Patrie, et sortir, changeant soudain de forme,
Par un immense éclat de cet opprobre énorme !
Oui, nous verrons, ainsi va le progrès humain,
De ce vil aujourd'hui naître un fier lendemain,
Et tu rachèteras, ô prêtresse, ô guerrière,
Par cent pas en avant chaque pas en arrière !
Donc recule et descends ! tombe, ceci me plaît !
Flatte le pied du maître et le pied du valet !
Plus bas ! baise Troplong ! plus bas ! lèche Baroche !
Descends, car le jour vient, descends, car l'heure approche,
Car tu vas t'élancer, ô grand peuple courbé,
Et, comme le jaguar dans un piège tombé,
Tu donnes pour mesure, en tes ardentes luttes,
A la hauteur des bonds la profondeur des chutes !

Oui, je me réjouis ; oui, j'ai la foi ; je sais
Qu'il faudra bien qu'enfin tu dises : c'est assez !
Tout passe à travers toi comme à travers le crible,
Mais tu t'éveilleras bientôt, pâle et terrible,
Peuple, et tu deviendras superbe tout à coup.
De cet empire abject, bourbier, cloaque, égout,
Tu sortiras splendide, et ton aile profonde
En secouant la fange éblouira le monde !
Et les couronnes d'or fondront au front des rois,
Et le pape, arrachant sa tiare et sa croix,
Tremblant, se cachera comme un loup sous sa chaire,
Et la Thémis aux bras sanglants, cette bouchère,
S'enfuira vers la nuit, vieux monstre épouvanté,
Et tous les yeux humains s'empliront de clarté,
Et l'on battra des mains de l'un à l'autre pôle,
Et tous les opprimés, redressant leur épaule,
Se sentiront vainqueurs, délivrés et vivants,
Rien qu'à te voir jeter ta honte aux quatre vents !

Jersey, septembre 1853
Victor Hugo
Mayrik
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Message par Mayrik Mar 7 Mar - 2:10

L’avenir arrivera-t-il ? il semble qu’on peut presque se faire cette question quand on voit tant d’ombre terrible. Sombre face-à-face des égoïstes et des misérables. Chez les égoïstes, les préjugés, les ténèbres de l’éducation riche, l’appétit croissant par l’enivrement, un étourdissement de prospérité qui assourdit, la crainte de souffrir qui, dans quelques-uns, va jusqu’à l’aversion des souffrants, une satisfaction implacable, le moi si enflé qu’il ferme l’âme ; chez les misérables, la convoitise, l’envie, la haine de voir les autres jouir, les profondes secousses de la bête humaine vers les assouvissements, les cœurs pleins de brume, la tristesse, le besoin, la fatalité, l’ignorance impure et simple.

Faut-il continuer de lever les yeux vers le ciel ? le point lumineux qu’on y distingue est-il de ceux qui s’éteignent ? L’idéal est effrayant à voir, ainsi perdu dans les profondeurs, petit, isolé, imperceptible, brillant, mais entouré de toutes ces grandes menaces noires monstrueusement amoncelées autour de lui ; pourtant pas plus en danger qu’une étoile dans les gueules des nuages.

……………………………………………………………

"C’est bien. Mais tout cela vaut-il le sang versé ? Et au sang versé ajoutez l’avenir assombri, le progrès compromis, l’inquiétude parmi les meilleurs, les libéraux honnêtes désespérant, l’absolutisme étranger heureux de ces blessures faites à la révolution par elle-même, les vaincus de 1830 triomphant, et disant : Nous l’avions bien dit ! Ajoutez Paris grandi peut-être, mais à coup sûr la France diminuée. Ajoutez, car il faut tout dire, les massacres qui déshonoraient trop souvent la victoire de l’ordre devenu féroce sur la liberté devenue folle. Somme toute, les émeutes ont été funestes."

Ainsi parle cet à peu près de sagesse dont la bourgeoisie, cet à peu près de peuple, se contente si volontiers.

Quant à nous, nous rejetons ce mot trop large et par conséquent trop commode : les émeutes. Entre un mouvement populaire et un mouvement populaire, nous distinguons. Nous ne nous demandons pas si une émeute coûte autant qu’une bataille. D’abord pourquoi une bataille ? Ici la question de la guerre surgit. La guerre est-elle moins fléau que l’émeute n’est calamité ? Et puis, toutes les émeutes sont-elles calamités ? Et quand le 14 juillet coûterait cent vingt millions ? L’établissement de Philippe V en Espagne a coûté à la France deux milliards. Même à prix égal, nous préférerions le 14 juillet. D’ailleurs nous repoussons ces chiffres, qui semblent des raisons et qui ne sont que des mots. Une émeute étant donnée, nous l’examinons en elle-même. Dans tout ce que dit l’objection doctrinaire exposée plus haut, il n’est question que de l’effet, nous cherchons la cause.

……………………………………………………………

L’insurrection est l’accès de fureur de la vérité; les pavés que l’insurrection remue jettent l’étincelle du droit.

……………………………………………………………

Parfois, insurrection, c’est résurrection.

……………………………………………………………

L’honnêteté d’un grand cœur, condensée en justice et en vérité, foudroie.

……………………………………………………………

Toutes les protestations armées, même les plus légitimes, même le 10 août, même le 14 juillet, débutent par le même trouble. Avant que le droit se dégage, il y a tumulte et écume. Au commencement l’insurrection est émeute, de même que le fleuve est torrent. Ordinairement elle aboutit à cet océan : révolution.

……………………………………………………………

Du reste, insurrection, émeute, en quoi la première diffère de la seconde, le bourgeois, proprement dit, connaît peu ces nuances. Pour lui tout est sédition, rébellion pure et simple, révolte du dogue contre le maître, essai de morsure qu’il faut punir de la chaîne et de la niche, aboiement, jappement ; jusqu’au jour où la tête du chien, grossie tout à coup, s’ébauche vaguement dans l’ombre en face de lion.

……………………………………………………………

Citoyens, quoi qu’il arrive aujourd’hui, par notre défaite aussi bien que par notre victoire, c’est une révolution que nous allons faire. De même que les incendies éclairent toute la ville, les révolutions éclairent tout le genre humain. Et quelle révolution ferons-nous ? Je viens de le dire, la révolution du Vrai. Au point de vue politique, il n’y a qu’un seul principe – la souveraineté de l’homme sur lui-même. Cette souveraineté de moi sur moi s’appelle Liberté. Là où deux ou plusieurs de ces souverainetés s’associent commence l’État. Mais dans cette association il n’y a nulle abdication. Chaque souveraineté concède une certaine quantité d’elle-même pour former le droit commun. Cette quantité est la même pour tous. Cette identité de concession que chacun fait à tous s’appelle Égalité. Le droit commun n’est pas autre chose que la protection de tous rayonnant sur le droit de chacun. Cette protection de tous sur chacun s’appelle Fraternité. Le point d’intersection de toutes ces souverainetés qui s’agrègent s’appelle Société. Cette intersection étant une jonction, ce point est un nœud. De là ce qu’on appelle le lien social. Quelques-uns disent contrat social, ce qui est la même chose, le mot contrat étant étymologiquement formé avec l’idée de lien. Entendons-nous sur l’égalité ; car, si la liberté est le sommet, l’égalité est la base. L’égalité, citoyens, ce n’est pas toute la végétation à niveau, une société de grands brins d’herbe et de petits chênes ; un voisinage de jalousies s’entre-châtrant ; c’est, civilement, toutes les aptitudes ayant la même ouverture ; politiquement, tous les votes ayant le même poids ; religieusement, toutes les consciences ayant le même droit. L’Égalité a un organe : l’instruction gratuite et obligatoire. Le droit à l’alphabet, c’est par là qu’il faut commencer. L’école primaire imposée à tous, l’école secondaire offerte à tous, c’est là la loi. De l’école identique sort la société égale. Oui, enseignement ! Lumière ! lumière ! tout vient de la lumière et tout y retourne.

……………………………………………………………

C’est toujours à ses risques et périls que l’utopie se transforme en insurrection, et se fait de protestation philosophique protestation armée, et de Minerve Pallas. L’utopie qui s’impatiente et devient émeute sait ce qui l’attend ; presque toujours elle arrive trop tôt. Alors elle se résigne, et accepte stoïquement, au lieu du triomphe, la catastrophe. Elle sert, sans se plaindre, et en les disculpant même, ceux qui la renient, et sa magnanimité est de consentir à l’abandon. Elle est indomptable contre l’obstacle et douce envers l’ingratitude.

……………………………………………………………

On accuse les révolutionnaires de semer l’effroi. Toute barricade semble attentat. On incrimine leurs théories, on suspecte leur but, on redoute leur arrière-pensée, on dénonce leur conscience. On leur reproche d’élever, d’échafauder et d’entasser contre le fait social régnant un monceau de misères, de douleurs, d’iniquités, de griefs, de désespoirs, et d’arracher des bas-fonds des blocs de ténèbres pour s’y créneler et y combattre. On leur crie : Vous dépavez l’enfer ! Ils pourraient répondre : C’est pour cela que notre barricade est faite de bonnes intentions.

Le mieux, certes, c’est la solution pacifique. En somme, convenons-en, lorsqu’on voit le pavé, on songe à l’ours, et c’est une bonne volonté dont la société s’inquiète. Mais il dépend de la société de se sauver elle-même ; c’est à sa propre bonne volonté que nous faisons appel. Aucun remède violent n’est nécessaire. Étudier le mal à l’amiable, le constater, puis le guérir. C’est à cela que nous la convions.

……………………………………………………………

Car, et ceci est beau, c’est toujours pour l’idéal, et pour l’idéal seul que se dévouent ceux qui se dévouent. Une insurrection est un enthousiasme. L’enthousiasme peut se mettre en colère ; de là les prises d’armes. Mais toute insurrection qui couche en joue un gouvernement ou un régime vise plus haut. Ainsi, par exemple, insistons-y, ce que combattaient les chefs de l’insurrection de 1832, et en particulier les jeunes enthousiastes de la rue de la Chanvrerie, ce n’était pas précisément Louis-Philippe. La plupart, causant à cœur ouvert, rendaient justice aux qualités de ce roi mitoyen à la monarchie et à la révolution ; aucun ne le haïssait. Mais ils attaquaient la branche cadette du droit divin dans Louis-Philippe comme ils en avaient attaqué la branche aînée dans Charles X ; et ce qu’ils voulaient renverser en renversant la royauté en France, nous l’avons expliqué, c’était l’usurpation de l’homme sur l’homme et du privilège sur le droit dans l’univers entier. Paris sans roi a pour contre-coup le monde sans despotes. Ils raisonnaient de la sorte. Leur but était lointain sans doute, vague peut-être, et reculant devant l’effort ; mais grand.

Cela est ainsi. Et l’on se sacrifie pour ces visions, qui, pour les sacrifiés, sont des illusions presque toujours, mais des illusions auxquelles, en somme, toute la certitude humaine est mêlée. L’insurgé poétise et dore l’insurrection. On se jette dans ces choses tragiques en se grisant de ce qu’on va faire. Qui sait ? on réussira peut-être. On est le petit nombre ; on a contre soi toute une armée ; mais on défend le droit, la loi naturelle, la souveraineté de chacun sur soi-même qui n’a pas d’abdication possible, la justice, la vérité, et au besoin on mourra comme les trois cents Spartiates. On ne songe pas à Don Quichotte, mais à Léonidas. Et l’on va devant soi, et, une fois engagé, on ne recule plus, et l’on se précipite tête baissée, ayant pour espérance une victoire inouïe, la révolution complétée, le progrès remis en liberté, l’agrandissement du genre humain, la délivrance universelle ; et pour pis aller les Thermopyles.

Ces passes d’armes pour le progrès échouent souvent, et nous venons de dire pourquoi. La foule est rétive à l’entraînement des paladins. Ces lourdes masses, les multitudes, fragiles à cause de leur pesanteur même, craignent les aventures ; et il y a de l’aventure dans l’idéal.

D’ailleurs, qu’on ne l’oublie pas, les intérêts sont là, peu amis de l’idéal et du sentimental. Quelquefois l’estomac paralyse le cœur.

La grandeur et la beauté de la France, c’est qu’elle prend moins de ventre que les autres peuples ; elle se noue plus aisément la corde aux reins. Elle est la première éveillée, la dernière endormie. Elle va en avant. Elle est chercheuse.

Cela tient à ce qu’elle est artiste.

Victor Hugo
Pourquoi tant de haine, me direz-vous. Je répondrai simplement que lorsque le gouvernement ne nous respecte plus, il doit alors nous craindre.

Les flèches de Victor Hugo étaient destinée à un despote d'un autre temps, mais je suis persuadé que si il vivait actuellement, il ne se priverait pas d'en décocher quelques unes.

"Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui affranchit"
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Message par rachel Mar 7 Mar - 4:47

Merci pour ces bonnes lectures!
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