Désengagement de la Bande de Gaza .

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Ha'aretz, vendredi 7 janvier 2005

CESSONS DE PRENDRE DES GANTS

par Yoël Marcus
(trad. Tal pour LPM)


Il a fallu attendre cette semaine, après les terribles scènes de Yitzhar[1], pour que des officiers des Forces de défense d¹Israël lâchent le morceau devant le Premier ministre et lui révèlent comment le maire de Kedoumim, Daniela Weiss, avait insulté un officier supérieur, l¹avait giflé puis, devant son absence de réaction, l¹avait bousculé et fait tomber. Et ce n¹est qu¹un échantillon de la façon dont les colons traitent les soldats qui veillent sur eux et se font tuer pour leur sécurité.

Sharon était scandalisé et furieux. Parlant devant le légendaire bataillon 890 de parachutistes, il a déclaré d¹une voix ferme que de pareilles choses étaient hors de question. « J¹ai vu la séquence de l¹évacuation [de Yitzhar] et il est évident que vous n¹avez pas été préparés à une telle humiliation. J¹ai entendu les injures et suis resté là, assis, à me mordre les lèvres », a-t-il raconté.

Ne le prenez pas pour vous, leur a-t-il encore dit. Ce n¹est pas à vous qu¹ils en ont, c¹est à moi et au gouvernement. « Mais ceux qui appellent les colons à se battre contre l¹armée vous font ce qu¹il y a de pire. Avec leurs insultes et leurs provocations, ils essaient de vous exclure du c¦ur de la nation. » On peut reconstruire une implantation, a ajouté Sharon avec colère, mais pas Tsahal.

Lors d¹une réunion le même jour avec le ministre de la Défense, le chef d¹état-major et les commandants de division, c¹était comme si Sharon sortait du coma. Énergique et résolu, il a parlé de la nécessité de prendre des mesures contre quiconque avait osé porter la main sur un soldat ou poussé l¹armée à désobéir aux ordres. On aurait dit un taureau voyant rouge.

Le pays vous a confié une mission historique, a-t-il dit, et c¹est votre boulot de l¹accomplir. Il a appelé les soldats à ne pas flancher ni hésiter. Vous avez le droit de riposter. L¹armée doit montrer qu¹elle a toute autorité pour accomplir les tâches qui lui sont assignées par le gouvernement. Sharon a également demandé à la justice d¹appuyer l¹armée, et insisté pour que le ministre de la Défense et le chef d¹état-major refusent de rencontrer les responsables de Yesha [2]. Ils prétendront que vous avez
peur d¹eux, a-t-il cependant concédé.

Longtemps expert à chanter la sérénade aux rabbins, Ariel Sharon a
finalement changé de ton. Au lieu de tourner autour d¹eux, il les traite d¹hypocrites. Le sens général du message est que l¹armée doit exécuter sa mission jusqu¹à son terme sans états d¹âme. L¹hésitation ou le doute n¹ont pas là leur place, car l¹armée agit au nom du gouvernement et de la Knesseth régulièrement élue.

Les messages parvenus de Washington laissaient percer l¹inquiétude concernant le sérieux des intentions de Sharon à mettre le plan de désengagement en ¦uvre. Quoique Bush l¹ait à de nombreuses reprises pressé de démanteler des avant-postes illégaux, rien ne se passait. Plus il faisait de promesses sans jamais les tenir, plus les Américains doutaient qu¹il puisse évacuer les colonies de la bande de Gaza d¹un coup de baguette magique.

Du côté de Jérusalem, les explications officielles mettaient en avant des considérations tactiques : pourquoi perdre son énergie dans des heurts avec des colons en situation irrégulière et dont le sort, de toute façon, était scellé ? Mieux valait économiser ses forces pour la grande bataille. Un argument perçu par les colons comme un aveu de faiblesse politique et d¹incapacité à faire le travail. Et sur le terrain des campagnes d¹intimidation et de menaces, nul ne peut les battre. Comme les gangs, ils n¹obéissent qu¹à leurs propres règles.

La conclusion tirée par les colons de la non-démolition des avant-postes était simple : quand on ne sait pas marcher, on ne risque pas de se mettre à courir. Les hésitations du gouvernement, jointes à l¹expression d¹une opposition au sein du Likoud et à l¹arrogance des rebelles leur ont permis de traiter le désengagement d¹illégitime.

Rien n¹est plus loin de la vérité. Toute décision adoptée par un
gouvernement et un parlement démocratiquement élus est légitime. Ne pas démanteler les avant-postes a été une grosse erreur. Outre la démonstration de force qu¹elles représentaient, ces évacuations auraient pu constituer une sorte d¹entraînement pour les soldats et la police en prévision du Grand Retrait.

La formation d¹une nouvelle coalition ne signifie pas que tout danger soit écarté. Inciter des soldats à désobéir au prétexte de l¹illégalité de l¹ordre d¹évacuation n¹est rien d¹autre qu¹un appel à la révolte. Jamais, depuis la période qui a précédé la guerre de 1967, le pays n¹a connu de situation aussi grave. Le danger intérieur n¹est pas moins critique pour l¹existence d¹Israël que la menace extérieure. Parce que le jour où le premier soldat mourra, nul doute que l¹armée tirera pour tuer.

Nous traversons des jours fatidiques où nous ne pouvons laisser des forces subversives lutter contre un gouvernement légal, élu, ou prétendre en avoir triomphé. Sharon a eu raison de sortir de ses gonds, cette semaine. Maintenant, il est temps qu¹il renonce à prendre des gants.


NOTES______________________________________________

[1] Filmées par la chaîne 2 de télévision, les scènes de violence survenues en début de semaine dernière durant l'évacuation de l'avant-poste de Yitzhar ont remué l'opinion.

[2] Acronyme pour Yehudah (la Judée), Shomron (la Samarie) et Aza (Gaza). Le Conseil régional de Yesha rassemble les colons de Cisjordanie et de la bande de Gaza, et leur tient lieu de porte-voix

Ungern a écrit:Ce désengagement de Gaza est extrèmement intéressant ;plusieurs questions se posent :

a) est ce que Sharon doit abandonner la Bande de Gaza pour des raisons militaires ? ( dépenses énormes pour un nombre réduit de colons) .
Après le départ des colons,le cout du contrôle des frontières serait nettement moindre que celui du territoire lui même .

b) est ce que Sharon doit abandonner la Bande de Gaza pour des raisons politiques ? ( montrer tant à la communauté internationale que nationale qu'il "se désengage" ) .

c) est ce que au contraire Sharon veut tout simplement montrer que puisqu'il lui est impossible de se désengager de Gaza,la question du désengagement de la Cisjordanie ne se pose même pas ...

Pedro a écrit:Sans doute pour des raisons économiques, comme le souligne Ungern, mais aussi, à mon avis, parce que la resistance des Palestiniens fait de la situation politique une impasse.