Lula menacé par les affaires de corruption

BRÉSIL - Lula menacé par les affaires de corruption
Le président brésilien est de plus en plus exposé dans le scandale, d'une ampleur peut-être inédite, qui met en cause son parti et provoque un séisme politique au Brésil.


L'étau se resserre sur Luiz Inácio Lula da Silva. Selon l'hebdomadaire Istoé, la crise politique liée aux scandales financiers qui secouent le Parti des travailleurs (PT, gauche, au pouvoir) a entraîné "une nette baisse de popularité du président brésilien, ainsi qu'une chute des intentions de vote pour la présidentielle de 2006".

La crise politique brésilienne a commencé avec la dénonciation, début juin, d'un système d'achat de votes de députés. L'enquête parlementaire et policière a également révélé l'existence d'une caisse noire du PT, de quelque 20 millions d'euros. La crise a provoqué la destitution de plusieurs dirigeants d'entreprises d'Etat ainsi que la démission de José Dirceu, le chef de cabinet du président Lula, et de plusieurs dirigeants du PT.

"Jeudi dernier, Delubio Soares, l'ancien trésorier du PT, a reconnu que des fonds illégaux levés par Marcos Valerio, l'homme au cœur du scandale, avaient financé la campagne du futur chef de l'Etat en 2002", explique Veja dans un dossier entièrement consacré à l'affaire. Pour l'hebdomadaire, "le rythme auquel se succèdent les scandales, l'avalanche des révélations, démentis et autres accusations, donnent le tournis aux Brésiliens".

Peu à peu se dévoilent les rouages de "la plus vaste machine de corruption du pays. Un système ayant pour seul et unique but le renflouement des caisses du PT afin d'acheter des alliés, payer les campagnes passées et assurer les élections à venir".

Dernier rebondissement en date, la mise en cause du ministre de l'Economie, Antonio Palocci, pour une affaire remontant à 2001 et 2002, lorsqu'il était maire de Riberão Preto, dans l'Etat de São Paulo. Selon le principal quotidien national, Folha de São Paulo, il aurait perçu "chaque mois, l'équivalent de 16 000 euros, versés par une entreprise de ramassage d'ordures. Ces pots-de-vin étaient ensuite reversés au PT."

Ce financement illégal de la campagne électorale pourrait, d'un point de vue juridique, déboucher sur une procédure de destitution de Lula. Mais les partis de l'opposition restent prudents, craignant d'être accusés de vouloir plonger le pays dans le chaos. Dans une allocution faite à la nation, le vendredi 12 août, Lula a présenté des "excuses" à son peuple, affirmant avoir été "trahi par des pratiques inacceptables dont il ignorait tout", rapporte le quotidien.

Mais les Brésiliens ont de plus en plus de mal à le croire. "Que Lula l'ait su ou non, ce qui est certain désormais, c'est que le parti qui prétendait défendre les travailleurs et promouvoir la justice sociale est finalement celui qui a mis en place tout un système illégal de financement pour alimenter ses caisses", conclut Carlos Heitor Cony, l'éditorialiste de la Folha.

"La bonne nouvelle c'est que toute cette affaire aura au moins eu le mérite de remettre à l'ordre du jour du Congrès la question de la réforme du système politique brésilien. Le sénateur Jorge Bornhausen, du Parti du front libéral (PFL, opposition de droite) a en effet présenté un projet de loi visant à limiter le coût des campagnes et à promouvoir la transparence financière des partis", rapporte l'hebdomadaire Veja. Car la crise actuelle compromet le gouvernement mais aussi l'ensemble des partis. Dans la Folha de São Paulo, Marilena Chaui, philosophe idéologiquement proche des thèses du PT, explique que "le système politique brésilien est une aberration. Tant qu'il n'y aura pas de vraie réforme politique, on ne résoudra ni les problèmes du financement des partis, ni les scandales de corruption."

Et l'intellectuelle de rappeler que "pendant des années, on a critiqué l'orthodoxie du PT, qui refusait toute alliance et toute concession idéologique. Les critiques regrettaient cette attitude car à leurs yeux les alliances de partis étaient une marque de modernité. Finalement, le pragmatisme électoral l'a emporté. Le PT a choisi le pouvoir, et il s'est décidé à faire les alliances nécessaire pour le conquérir. Maintenant, Lula est otage du pouvoir."