AlbertII sera-t'il le dernier roi des belges?

Le "compromis à la belge" est en lambeaux
08.11.07 | 16h25


Par Yves Clarisse

BRUXELLES (Reuters) - Le célèbre "compromis à la belge", qui a permis aux Flamands et aux francophones de vivre ensemble malgré leurs divisions depuis 177 ans est en lambeaux et la Belgique aura beaucoup du mal à surmonter l'épreuve.

Le petit royaume s'est réveillé jeudi avec la gueule de bois après le vote, mercredi, d'une proposition de loi qui vise à priver les francophones de la périphérie flamande de Bruxelles du droit de voter pour des listes de leur communauté.


Les députés flamands de la commission de l'Intérieur de la Chambre des représentants ont utilisé leur majorité automatique pour imposer la scission de l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV), qui permet pour l'instant aux quelque 120.000 francophones de la périphérie flamande de Bruxelles de choisir des candidats francophones.

Certes, ce vote, qui permet de faire coller la frontière linguistique avec les limites d'un éventuel Etat flamand indépendant dans l'avenir, n'aura aucun effet immédiat.

Les francophones ont déclenché la procédure du "conflit d'intérêt" qui leur permet de retarder de plusieurs mois l'examen de la proposition en séance plénière et le dossier "BHV" reviendra un jour ou l'autre sur la table du gouvernement.

Pour certains analystes, cela permet aussi aux libéraux et aux démocrates-chrétiens, qui tentent depuis cinq mois de mettre sur pied une coalition, de se concentrer sur les dossiers sociaux et économiques en bottant en touche concernant ce brûlot.

Mais les conséquences politiques sont énormes.

"LE VIOL D'UNE COMMUNAUTÉ PAR UNE AUTRE"

Pour la première fois depuis l'indépendance en 1830, les représentants des six millions de Flamands ont utilisé leur majorité pour imposer leur volonté aux quatre millions de francophones dans le cadre des négociations pour la formation d'un gouvernement, qui durent désormais depuis 151 jours.

Le "compromis à la belge", expression qui résume les accords auxquels les deux communautés sont toujours parvenues dans le passé, a donc volé en éclats, ce qui augure mal de l'avenir.

Les partis politiques francophones ont publié un communiqué commun qui montre que l'on n'est pas dans une crise classique.

Le vote "constitue une agression politique grave à l'égard des francophones et rompt l'équilibre national", écrivent-ils.

"C'est le viol d'une communauté par une autre", a renchéri le ministre-président de la Région wallonne, Rudy Demotte.

Vincent de Correbyter, le directeur du Centre de recherche et d'information sociopolitiques (Crisp), se montre sombre.

"Les Flamands ont montré leur détermination et leur force", a-t-il estimé. "Le dialogue est plus difficile que jamais."

Les quotidiens consacrent jusqu'à dix pages à l'événement.

La Libre Belgique publie une première page coupée en deux par une paire de ciseaux: "La loi du plus fort", peut-on lire à l'endroit et le traduction en néerlandais dans l'autre sens.

"CHANGER LE SYSTÈME"

"Une certaine Belgique est morte", estime Le Soir dans un éditorial. "Les Flamands ont transgressé un tabou et peuvent avoir pris goût à cet exercice unilatéral de leur pouvoir. Les francophones, eux, ont subi une humiliation sans précédent et vont se vivre en victimes de l'ex-pacte belge."

Les journaux flamands ont pour la plupart un autre vision.

"C'est une bonne chose", se réjouit l'influent quotidien De Standaard, lequel juge "historique" le vote qui met "fin à la situation selon laquelle les francophones qui vivent en Flandre peuvent voter pour des listes à Bruxelles".

Mais la Flandre n'est pas unanime.

Het Laatste Niews, le plus important tirage de Flandre, reprend mot pour mot l'argumentation des francophones en estimant que mercredi a été "le jour où la Flandre s'est comportée en puissance impérialiste. La Belgique à deux grandes communautés ne peut être gouvernée que par consensus".

L'avenir est plutôt bouché pour le pays.

Les négociations pour la formation d'un gouvernement composé de libéraux et de démocrates-chrétiens ont été suspendues le temps de laisser retomber la pression, mais il n'y a pas d'alternative à leur alliance, sauf à associer les socialistes au pouvoir, ce qui rendrait les choses encore plus compliquées.

Le Roi Albert II de Belgique a d'ailleurs confirmé dans un communiqué le démocrate-chrétien flamand Yves Leterme dans sa mission de "formateur" d'un gouvernement "Orange bleue", le mélange des couleurs traditionnelles de ces familles politiques.

Il lui a demandé "de poursuivre sa tâche afin qu'un gouvernement fédéral puisse être rapidement constitué (...) pour le bien-être de tous les citoyens de notre pays, pour la crédibilité de la Belgique et sa nécessaire cohésion."

Mais même si un gouvernement "socio-économique" voit le jour, il sera constamment fragilisé par le retour du dossier "BHV", et ce d'autant plus que la campagne pour les élections régionales de 2009 sera propice à la surenchère.

Les partis flamands, qui ont voté à 60% en juin dernier pour des listes confédéralistes ou indépendantistes, sont en effet bien décidés à dépecer un peu plus l'Etat belge.

Jean-Marie Dedecker, le chef d'un petit parti flamand populiste, estime que ce moment est maintenant venu.

"On a prouvé que la Belgique ne fonctionnait pas, il faut changer le système", a-t-il déclaré en demandant la scission de la sécurité sociale et de la fiscalité, ce que les francophones refusent. "Ce pays peut survivre, mais d'une autre manière."

Kermit a écrit:Il ne faut pas oublier non plus que 47% des flamands sont pour la scission de la Belgique, convaincus que les wallons sont responsables de tout leurs maux!

Kermit a écrit:Il ne faut pas oublier non plus que 47% des flamands sont pour la scission de la Belgique, convaincus que les wallons sont responsables de tout leurs maux!