« Entre le Hamas et le Fatah »

Ahmed Saadat, secrétaire général du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), est toujours détenu dans la prison palestinienne de Jéricho. Avec quatre autres membres d’un commando, il a été condamné par l’Autorité palestinienne au cours d’une parodie de procès, en 2002, pour le meurtre de Rehavam Zeevi, un ministre israélien d’extrême droite. Il livre ici son analyse de la situation en Palestine.

Comment jugez-vous le retrait de Gaza ? Ahmed Saadat - Le retrait de Gaza est avant tout le fruit de la résistance de notre peuple. Mais le retrait ne signifie pas la fin de l’occupation, tant que la souveraineté sur le ciel, la mer et la terre n’est pas complète. On peut gagner d’autres batailles, parce qu’il n’y a que deux voies : soit celle proposée par Israël et par les projets internationaux, comme la feuille de route, soit la voie de la lutte. C’est cette voie qui va nous permettre de mettre fin à l’occupation et de donner à notre peuple le droit à l’autodétermination et ses droits nationaux. Soit un État palestinien en Cisjordanie et à Gaza, soit un seul État laïque et démocratique sur l’ensemble du territoire palestinien, un État qui rassemble les Arabes et les Juifs, sans distinction de couleur, de race, de religion ou de sexe. Mais pour y arriver, il faudra une vision palestinienne claire dans le cadre d’un programme combatif, refusant les projets politiques qui mettent la sécurité israélienne comme base de la négociation de paix.

Notre alternative se fonde sur la lutte diplomatique, politique, sur ce que l’Intifada a gagné et sur les résolutions internationales, surtout sur les recommandations de La Haye1. Dans ce cadre-là, nous appelons à réunir une conférence internationale de paix sous le parrainage de l’ONU et sur la base des résolutions de l’ONU. Elles donnent à notre peuple ses droits à l’autodétermination, à l’indépendance et le droit au retour des réfugiés.

Soit on accepte les projets proposés, et on accepte que Sharon nous impose ses conditions politiques qui se basent essentiellement sur le vol d’une grande partie de notre terre, surtout en Cisjordanie. Soit on continue la résistance. En retirant l’armée israélienne de Gaza, Sharon veut se débarrasser d’une crise pour renforcer sa présence stratégique en Cisjordanie. C’est l’avortement de la possibilité d’un État palestinien, de sa souveraineté. De cette façon, la Cisjordanie sera divisée en plusieurs bantoustans.

Est-ce qu’il y aura une troisième Intifada ? A. Saadat - Pour parler d’une troisième Intifada, il faut déjà finir la deuxième. Peut-être qu’elle est un peu affaiblie, mais le conflit n’est pas terminé. Je peux parler d’une autre étape de l’Intifada. Quant aux moyens, il y a la lutte démocratique des masses sous la forme de la lutte populaire ou de la lutte armée. Nous ne sacralisons aucune forme. Toutes les formes de lutte sont importantes. La lutte armée aussi est importante.

Le maire FPLP de Bethléem a été élu avec le soutien du Hamas. Est-ce un accord tactique uniquement pour Bethléem ? A. Saadat - Sur la base d’une stratégie de lutte commune contre l’occupation israélienne et de construction de l’OLP, notre but n’est pas d’avoir un accord seulement avec le Hamas, mais avec tous les courants politiques du peuple palestinien. À Bethléem, les rapports de forces ont obligé le Hamas à soutenir le candidat du Fatah ou du Front populaire. Si le Front populaire a une chance d’être à la tête de Bethléem, grâce au soutien du Hamas ou du Djihad islamique ou d’une autre formation politique, même le Fatah, cela ne nous pose aucun problème.

Mais pour parler d’une alliance stratégique entre le Front populaire et le Hamas, il faut qu’on soit d’accord sur un programme politique. Il y a bien des points communs et la même vision de la façon de gérer la lutte contre l’occupation sioniste. Sur le plan stratégique, nous voulons construire un pôle de gauche démocratique. Il y a un pôle islamique, avec son projet. Et il y a un autre pôle de la bourgeoisie, c’est l’Autorité palestinienne et le Fatah. Notre pôle sera entre le Hamas et le Fatah en Palestine.

Propos recueillis par Mireille Terrin et Chris Den Hond

1. Il s’agit de la décision de la Cour internationale de justice condamnant le mur en Cisjordanie et à Jérusalem.