L'excédent commercial chinois explose

L'excédent commercial chinois explose
COMMERCE Le surplus commercial chinois devrait atteindre 100 milliards de dollars cette année.

A LA VEILLE d'une vaste tournée en Asie qui le mènera à la réunion du G 20 * le week-end prochain à Shanghaï, le secrétaire américain au Trésor John Snow dispose d'un nouvel argument de poids pour réclamer la poursuite des réformes du système de change chinois. Un rapport officiel du département du Commerce chinois, cité hier par le China Daily, a évoqué le chiffre astronomique de 100 milliards de dollars d'excédent commercial pour la Chine cette année, plus du triple de l'an dernier !


Ce chiffre extrapole largement la tendance des huit premiers mois – fin août, l'excédent atteignait déjà 60 milliards de dollars – mais c'est un nouveau pavé dans la mare des mauvaises relations commerciales sino-américaines. Washington est en effet de loin le premier client de Pékin, et quel client ! Pratiquement à l'équilibre pour la dernière fois en... 1985, les échanges entre les deux pays se sont rapidement transformés en gouffre pour les États-Unis. Selon les statistiques américaines, le déficit annuel se conjugue à deux chiffres depuis 1990. La barre des trois chiffres (– 103 milliards de dollars) a été franchie en 2002. Entre janvier et juillet 2005, le «trou» dépasse déjà 107 milliards.


A cette aune, la très modeste réévaluation du yuan annoncée à la veille de l'été par Pékin ressemble presque à un pied de nez à l'Occident. Après plus de dix ans (1994-2005) d'arrimage parfait au dollar sur la base de 1 dollar pour 8,28 yuans, Pékin a réévalué sa monnaie de 2,1% seulement. Autant dire que l'insatiable appétit de consommation des Occidentaux pour le «made in China» n'a pas été découragé.


Surtout, la balance commerciale chinoise traduit la fin des quotas qui frappaient ses produits textiles jusqu'en janvier, fin qui a provoqué un véritable raz de marée sur les marchés occidentaux de pantalons et de sous-vêtements. L'Europe et les États-Unis ne se sont pas remis de cette libéralisation, pourtant prévue de longue date. Washington et Pékin tenteront une nouvelle fois la semaine prochaine de trouver un accord sur la limitation des importations de certains produits textiles. Mais jeudi, le gouvernement chinois a ouvertement protesté contre d'éventuelles nouvelles mesures de sauvegarde et la prolongation de certains quotas. Et hier, le China Daily s'est fait l'écho des inquiétudes du ministre du Commerce évoquant de «nouvelles frictions commerciales» qui risquent de «renforcer la pression pour une réévaluation du renminbi (yuan)».


En fait, pour endiguer vraiment le flot de produits chinois, une réévaluation d'au moins 30% de la monnaie serait nécessaire, estiment certains économistes européens. Un geste que Pékin n'est pas prêt à faire au moment où les exportations devraient représenter cette année à elles seules environ 5,75% du PIB. En revanche, de passage à New York le mois dernier, le président Hu Jintao s'est dit prêt à coopérer davantage avec Washington afin d'accroître les importations chinoises de produits américains.


A la veille de la réunion du G 20, le Trésor américain a diplomatiquement retardé la publication du rapport semi-annuel sur les politiques de changes dans le monde, qui devrait accuser Pékin de «manipulation» de son taux de change. Mais l'empire du Milieu refuse d'endosser le rôle du coupable des déséquilibres financiers mondiaux. Pékin reproche à l'Amérique de dépenser trop et d'épargner trop peu, ce qui est tout le contraire de la Chine. Reste que si les excédents chinois s'accumulent, leur utilisation commence à poser problème : assis sur plus de 700 milliards de dollars de réserves de change, le pays peine à investir à l'étranger comme en témoigne notamment l'échec de la tentative de rachat du groupe pétrolier américain Unocal par le groupe Cnooc.